Édito
Durant ce cycle, nous revisitons une période du cinéma qui a révolutionné les fins de cet art dans un pays qui s’est depuis disloqué. Le “nouveau film yougoslave”, aussi connu sous le nom de “la vague noire” a été un tournant dans la libération du cinéma au sein de la République Fédérative Socialiste de la Yougoslavie (RFSY) et a duré grossièrement, entre 1963 et 1972. Durant cette décennie, une nouvelle génération de jeunes auteurs bouscula les formes cinématographiques préétablies par l’introduction d’approches esthétiques d’un modernisme radical, en se ré-appropriant et en subvertissant les codes du réalisme social. Le socialisme expérimental, introduit par le régime de Tito suite au schisme de la Yougoslavie avec Staline, et son expulsion du Kominform, introduisant des infrastructures libérales ainsi qu’une certaine ouverture vers l’ouest, a créé des espaces d’autogestion qui ont parmi d’autres (et involontairement) traversé celui du cinéma. C’est dans ce contexte là que ces auteurs s’accaparent des moyens mis en place par le régime, dans le but de rendre au peuple et à la jeunesse son regard critique et de démultiplier les représentations auparavant asservies à la guise du régime. Mais, comme dans toute autocratie, la liberté n’est pas offerte, et le mouvement s’est dissout une décennie plus tard, suite à l’interdiction de plusieurs films, l’exil des cinéastes vers l’ouest et l’emprisonnement de l’un d’entre eux. L’intemporalité de ces films dépasse le contexte socio-politique de l’époque, et s’inscrit dans celle des gestes révoltés et libres de tout dogmatisme et idéologie qui visent à formater les cerveaux et à diriger les regards. Les trois films sélectionnés peuvent être vus comme un triptyque entre :
-l’aliénation de la vie moderne à travers l’exposition des tensions entre le progrès, la tradition et l’identité individuelle dans la Yougoslavie de l’après-guerre (La Ville)
-la désillusion et la rébellion de la jeunesse contre les systèmes oppressifs par le biais d’un réalisme cru et d’une approche antiautoritaire (Travaux Précoces), pour clôturer par
-la critique radicale du consumérisme occidental et de l’autoritarisme de l’Est par le biais de l’érotisme, de la politique et de la psychanalyse et la remise en question des limites morales, sexuelles et sociétales conventionnelles. (W.R. Les Mystères de l’organisme).
Mika
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