« Nos corps sont aussi des territoires occupés. Peut-être que le but ultime de la performance, spécialement si tu es une femme, gay ou une personne de couleur, est de décoloniser nos corps et de rendre ces mécanismes décolonisateurs apparents pour notre public dans l’espoir qu’il s’en inspire et fasse de même avec le sien » 1
Guillermo Gómez-Peña, performeur Chicano et co-fondateur de La Pocha-Nostra.
On ne le répètera jamais assez, le cinéma « classique », n’échappe pas aux processus d’invisibilisation et de stigmatisation à l’œuvre dans notre société. Si nombre se sont obstinés à défendre sa légitimité dans le champ culturel et social, au regard d’autres formes, moyens et techniques cinématographiques, une frontière s’est vu s’établir, maintenu par ses fervents défenseurs, au risque d’être confondu avec les voix non moins menaçantes de cet obscur objet qu’est le porno. Concentrant à lui seul les maux de notre monde, le porno serait l’essence même d’une violence qui ne peut se dire. Corps exploités, soumis, violentés, violés, aliénés…
Pourtant, c’est bien le premier qui s’est bâti sur le principe d’une politique auteuriste, un discours formant lui-même les propres images d’une violence insidieuse, et assurant sa place sur les grands écrans. Il n’aura à l’occasion pas manqué d’assurer ce statut, depuis la mise en scène fantasmatique de l’objet féminin (effaçant ses sujets), assujetti au regard masculin.
Derrière les discours stigmatisants des fervents défenseurs de ce cinéma, conservateur, dominé par un regard universaliste hétéronormatif et néocolonialiste, se cachent des voix qui ne s’énoncent pas, des corps qui ne se dévoilent pas et s’approprient la parole et les représentations des premier.ères concerné.es.
L’histoire du cinéma s’appuie sur la cristallisation d’un patrimoine largement constitué d’œuvres de réalisateurs blancs dont la vision hétéronormative peut désormais être définie et porter le nom de male gaze, tel que l’a proposé Laura Mulvey en 1975.
Terrain conquis par un regard qui ne peut se dire et qui pourtant le marque, autant que les objets qu’ils montrent, le cinéma est l’histoire d’une dépossession. De l’image et des corps de ceux et celles qui ont trop longtemps été écarté du champ de sa création, sa réflexion et ainsi, de la formation de nouvelles images et pensées.
Dans les années 70 et 80, les femmes ont cherché à ré-imaginer leur cinéma et leurs représentations, en tentant de s’émanciper du regard masculin et son emprise, plus défini dans le male porn. Elles viennent interroger la production mainstream et ses constructions visuelles (stéréotypes de genre, regard masculin, corps féminin objectivé). Annie Sprinkle avec Herstory of Porn : Reel to Real (1999), revient sur l’histoire d’un bouleversement intime et collectif, d’un transfert d’objet à sujet, pour penser l’histoire du porno depuis celle qui, d’abord actrice, s’est réapproprié l’outil cinématographique et poursuit la réalisation de ses propres films porno depuis plus de 25 ans. Face caméra, Sprinkle, traverse l’écran pour resituer une parole qui lui avait été retirée, empêché par le regard masculin qui parcourait ses films porno. Par ce geste, elle réinvestit le champ interactif du porno, dépasse le simple cadre passif, pour briser la frontière objet/sujet et composer avec l’outil cinématographique comme nouvel outil politique pour repenser le corps, le sexe, les sexualités, les genres. Elle poursuit par là un travail amorcé quelques années plus tôt, en 1999, où lors d’une performance où elle invitait le public à ausculter l’intérieur de son vagin, elle baptisera par là une politique post-porn : le corps comme outil, le sexe comme arme.
En resituant le corps et la parole au sein d’un espace auparavant proscrit pour toutes les minorités, dont les femmes premières concernées, elle traduit les nouveaux champs politiques du porno, comme un territoire à réinvestir, une terre à se réapproprier. Contre cette dépossession du corps-territoire, de son histoire et de sa mémoire, le post-porn brise le silence, défonce les murs, éclate les frontières, creuse des trous comme dans Borderhole du duo mexicain/colombien Amber Bemak et Nadia Granados. A travers et au-delà du corps physique et de la machine cinématographique, ce sont autant d’identités éparpillées, parsemées, dispersées… s’embrassant pour former de nouveaux récits, depuis nos différences et nos communs, d’association en affiliations, puis en collaborations. Quoi de plus réjouissant qu’un porno queer et féministe pour envisager d’innombrables représentations de sexualités positives et jouissives de plaisirs partagés, auxquels nous invite l’euphorie collective d’Aorta Films avec Orgy #0001 (2017), pour mieux envoyer balader les injonctions à l’amour “hétéromantique” avec le fabuleux Virgin Machine (1988) de Monika Treüt.
Et c’est au sein de ces espaces de rencontre, que nous tenterons de rendre présent la parole, pour mieux délier les langues et penser d’autres dialogues, entre cinéma, corps, et politiques du cul.
1. Gomez-Peña, Guillermo, The New World Border, San Francisco, City lights, 1996, p.24 Cité par Quirós Kantuta, Imhoff Aliocha, « Descolonizando el cuerpo. Vidéoperformance féministe, queer et postcoloniale latino-américaine », Multitudes, 2008/4 (n° 35), p. 184-193. DOI : 10.3917/mult.035.0184.
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