J’ignore l’atmosphère d’une salle d’Opéra. Néanmoins l’expérience de Moïse et Aaron au cinéma m’a fait découvrir une œuvre dans une autre.

C’est d’ailleurs ce qu’écrit Gielen, le chef d’orchestre de Moïse et Aaron, à propos du film réalisé par le couple Straub-Huillet : « Straub a l’idée d’une forme, a eu l’idée d’une œuvre d’art qui est analogue à celle de Schoenberg mais qui n’est pas elle. (1) » Cette autre forme contient la première et la transforme dans une nouvelle matière rigoureusement cinématographique. La transformation qu’opèrent les cinéastes n’a rien à voir avec une illustration audiovisuelle de l’opéra de Schoenberg, ils ne recherchent pas à l’adapter pour le cinéma. Comme le précise Fortini : « (…) ici un troupeau était vrai troupeau, non pas symbole ; le serpent était un serpent vivant, et ainsi de suite, le sol était le sol et non planches de théâtre ; et l’absurdité de la transposition filmique d’un opéra était défié de la seule manière qui soit utile et non esthétisante : soit, en l’assumant comme quelque chose de normal. » (2)

Pour autant, en 1996, les Straub-Huillet en viennent à poser les pieds sur les planches d’un théâtre vide, sans spectateur, afin de réaliser Du jour au lendemain, le premier opéra dodécaphonique de Schoenberg, supervisé encore une fois par Gielen. Traité dans un autre registre, parfois même avec humour, les cinéastes conservent leur ton grinçant, qui appelle à la résistance du spectateur comme sur le second plan du film où l’on peut lire, tagué sur un mur : « où gît votre sourire enfoui ? ».

 

Le décor de théâtre de Neurasia réalisé par Werner Schroeter est radicalement épuré, poursuivant ainsi son travail de mise en scène, qui se règle avec précision à hauteur de ses moyens économiques et plastiques. Devant nous, s’orchestre un étrange rituel qui manifeste la puissance expressive du geste, volontairement exacerbé, initiant le spectateur dans sa propre fascination des corps et surtout de l’opéra. Amoureux de la Callas, utilisant autant les musiques de l’opéra viennois que la musique populaire allemande, Werner Schroeter nous noie dans la passion et ses troubles, en recomposant une temporalité élastique, désynchronisée, qui éclate toute linéarité et superpose par strates l’étrangeté des rapports humains. Loin d’être abstrait, sa fascination se précise dans Argila qui prend la forme d’un diptyque où trois femmes s’arrachent le même homme silencieux. Sur le même plan formel, le court-métrage Ave Maria réalisé par Manfred Sternjakob et Danaé Viney rend à la fois hommage à Maria Callas et à Werner Schroeter.

Au début des années 70, avec Der bomberpilot et Der Tod der Maria Malibran le cinéaste allemand continue de court-circuiter la narration par la répétition de motifs visuels et sonores qu’il compose comme une partition – fluctuant ainsi l’intensité des images, de la voix, du chant et de la musique – qui sans cesse renouvelle leur interprétation. Accompagné depuis ses premiers films par son trio fétiche Magdalena Montezuma, Mascha Elm-Rabben et Carla Aulaulu, que l’on voit dans Der bomberpilot chantonner d’une voix suraiguë par dessus l’air de Wiener Blut de Strauss auquel le titre de ce cycle fait référence.

Sous l’influence de Schroeter, Hans-Jürgen Syberberg réalise en 1982 un Parsifal complexe dû aux nombreuses références à l’histoire Allemande et à l’art qui s’entremêlent avec la musique de Wagner et la quête du jeune aventurier. Le film joué dans le masque mortuaire de Richard Wagner, agrandi à échelle humaine grâce à quarante tonnes de béton, recompose chaque scène directement dans une partie de la tête du musicien.

 

 

Nul besoin d’être initié pour ressentir des sensations aussi simples que celles de la vie et de la mort tant qu’elles sont exprimées avec passion. Michel Foucault dans un entretien avec Werner Schroeter réalisé en 1982 nous propose une définition : « Qu’est–ce que la passion ? C’est un état, c’est quelque chose qui vous tombe dessus, qui s’empare de vous, qui vous tient par les deux épaules, qui ne connaît pas de pause, qui n’a pas d’origine. En fait, on ne sait pas d’où ça vient. La passion est venue comme ça. C’est un état toujours mobile, mais qui ne va pas vers un point donné. Il y a des moments forts et des moments faibles, des moments où c’est porté à l’incandescence. Ça flotte. Ça balance. C’est une sorte d’instant instable qui se poursuit pour des raisons obscures, peut–être par inertie. Ça cherche, à la limite, à se maintenir et à disparaître. La passion se donne toutes les conditions pour continuer et, en même temps, elle se détruit d’elle–même. Dans la passion, on n’est pas aveugle. Simplement, dans ces situations de passion, on n’est pas soi–même. Ça n’a plus de sens d’être soi–même. On voit les choses autrement. » (3)

 

(1) Franco Fortini: « Note sur Moïse et Aaron » (Ombres, 1990) p. 126.
(2) Ibid, p.126.
(3) Propos recueillis à Paris par Gérard Courant, le 3 décembre 1981, livre Werner Schroeter de Gérard Courant, éditions la Cinémathèque française et Goethe Institut, janvier 1982.

 


Le programme du cycle

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Les tarifs des séances cinéma

Adhésion annuelle indispensable
à partir de 3€

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
2€ pour les séances jeune public

La carte RAGE + adhésion annuelle
:: VIDÉOCLUB : 3 films pour 7 jours

:: CINÉMA : accès illimité à toutes les séances hors séances spéciales et festivals
100€ (payables en trois fois par chèque)

La carte SCANNERS + adhésion annuelle
:: CINÉMA : accès illimité à toutes les séances hors séances spéciales et festivals
80€ (payables en trois fois par chèque)

La carte 10 séances + adhésion annuelle
40€

Ouverture de la billetterie 30 minutes avant le début de chaque séance

 

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