Édito

 

 

 

« Voici trois adaptations cinématographiques. Trois adaptations parlées, tirées de textes où la langue s’écarte loin de l’oralité. Leur esthétique a quelque chose d’un charme hiératique. On y trouve des personnages souvent immobiles disposés dans un fond composé, paysage, peinture ou décor ; le texte semble restitué à la lettre ; les acteurices sont moins comédien·nes que récitant·es. On pense à Ces rencontres avec eux de Straub et Huillet, à ce cinéma qu’on a dit de traduction, méticuleusement dédié à aiguiller le sens des mots vers l’interprétation de l’audience. Mais force est de constater que ce n’est pas exactement là qu’on se trouve. À voir un seul des films de Simon Gaillot, nous pourrions croire que si, mais leur série nous montre un ailleurs. C’est un cinéma moins de traduction que de récitation, moins dévoué au texte qu’à la narration et ses messages. Où, comme les contes, qui demandent des ressaisies collectives parce que leurs morales se discutent, nous serions invité·es à nous assoir au bord de leurs sillons avant de bavarder et nous mettre en question.

Un cinéma de traduction chercherait la source du texte. Il procèderait ainsi par soustraction. Il préfèrerait énoncer l’action à la lettre, plutôt que la représenter. Il soustrairait le scénario pour s’acheminer vers la littéralité et accomplirait, ce faisant, le parlant, l’image qui dit.

Le cinéma de récitation s’appuierait quant à lui sur cette littéralité, déjà gagnée. Puis procèderait par rajouts, par tressages. Il s’aventurerait à scénariser à la manière du conteur, qui, alternativement, parle à son audience, raconte son histoire, incarne ses personnages, réagit à l’imprévu. Le cinéma de récitation renouvelle sans cesse l’articulation des différents niveaux de relation du récit. Technique, décors, texte, diction, costumes, son, salle de projection agiraient alternativement les uns sur les autres. Ce cinéma s’offrirait la vigueur adéquate pour s’acoquiner avec le hasard et intégrer au conte ce qui survient. Il s’agirait de relater, d’accomplir la narration et ses leçons.

À la fin de Penthésilée, alors qu’un combat dans les dunes entre les deux protagonistes vient de résoudre l’intrigue, Simon Gaillot propose un dernier long plan contemplatif, un paysage rempli de ciel. Après quelques instants, on voit apparaître des grains de sable épars collés sur le capteur de la caméra. Le ciel est obstrué, éloigné, c’est ainsi que le drame nous atteint. »

Adrien Bardi Bienenstock

Marin

de Simon Gaillot | 2023 | France | 20 min

D’après le drame statique en un tableau O Marinheiro de Fernando Pessoa (1913), dans la traduction de Françoise Laye (1999).

Avec Ysé Sorel, Louise Chevillotte & Yuna Alonzo.

Trois jeunes femmes attendent en chantant. L’ennui pousse l’une d’elles à faire aux deux autres le récit d’un rêve, celui d’un marin perdu sur une île lointaine.


Salomé

de Simon Gaillot | 2020 | France | 30 min

D’après la pièce Salomé d’Oscar Wilde, dans sa version originale écrite en français (1891). 

Avec Louise Chevillotte, Elvire Gauquelin des Pallières, Yuna Alonzo, Emmanuel Demonsant, Lucas Marie & Oscar Haudrechy.

Salomé, belle-fille du tétrarque de Galilée, demande qu’on lui présente sur un plateau d’argent la tête de Jean le Baptiste en récompense de sa danse.


L’Aminte

de Simon Gaillot | 2023 | France | 36 min

D’après la pièce Aminta de Torquato Tasso (1573), dans la traduction de Sieur de la Brosse (1592).

Avec Elvire Agatha, Ona Balló Pedragosa, Joseph Varnier, Paul Desrozes, Benjamin Loizon & Yuna Alonzo.

Benjamin s’inquiète pour son troupeau depuis qu’Aminte, son apprenti, préfère rêver au pied des arbres. Aminte voudrait vivre en Arcadie où Silvie n’aimerait que lui. Même si ses amis Tirsis et Dafné tentent de l’aider, seul le dieu Amour le pourrait vraiment…


Simon Gaillot est un jeune cinéaste né le 15 décembre 1994 à Woippy.

Il suit des études d’histoire de l’art et d’histoire du cinéma à la Sorbonne puis d’esthétique et philosophie à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, où il travaille sur Friedrich Hölderlin ainsi que sur Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, avant d’intégrer Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains.

À vingt ans, il décide de tourner chaque été un film en plein air à partir d’une pièce de théâtre. Fidèle à l’esprit de Jean Cocteau selon lequel l’art cinématographique est avant tout un artisanat, il travaille, dans un souci constant d’économie, à établir une relation de proximité et de nécessité entre un texte, un visage, un corps et un paysage.

Il a ainsi pu adapter, avec une grande liberté, les œuvres de Julien Gracq (Le Roi pêcheur), Heinrich von Kleist (Penthesilea), Jean Racine (Bajazet), Robert Walser (Aschenbrödel), Oscar Wilde (Salomé), Fernando Pessoa (O Marinheiro), William Shakespeare (The Winter’s Tale), Torquato Tasso (Aminta) et Charles Péguy (Ève).

Il prépare en 16mm, avec Clément Vieille, Intérieur d’après Maurice Maeterlinck et écrit, avec Yuna Alonzo, une série à partir de Jude L’Obscur de Thomas Hardy.


Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.

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