19h le film sera présenté par Olivier Puech
Têtes vides cherchent coffres pleins (The Brink’s Job)
de William Friedkin, 1978, USA, 1h44, VOSTFR
Au début des années 1950, Tony Pino est un escroc qui vit de petites arnaques dans les rues de Boston.
Un jour, il observe que le système de sécurité de la société de transports Brink’s s’avère inefficace. Tony fait donc appel à quelques camarades malfrats et décide de monter le casse du siècle…
«Il s’agissait de montrer comment des voleurs incompétents avaient mis en échec une organisation gouvernementale, elle aussi incompétente.»
(William Friedkin)
Après l’échec cuisant de son Sorcerer, adaptation du roman de Georges Arnaud, Le Salaire de la peur, qui fut un fiasco et l’obligea à retrouver d’urgence la confiance des executives d’Hollywood, William Friedkin accepta de tourner un film plus léger : The Brink’s Job. Friedkin connaissait l’histoire de ce hold-up : durant sa jeunesse, l’exploit avait fait les gros titres des journaux. Mais, bien qu’il fût intéressé, il ne savait pas par quel bout aborder cette histoire. Devait-il en faire un film de gangsters ? Un film noir ? Tout devint limpide quand il put rencontrer les survivants du hold-up en chair et en os. Friedkin fut désarçonné ; il n’était pas question de génies du crime, mais bien d’une bande de clowns ! Comment des types pareils avaient-ils pu réaliser ce coup de maître ? Friedkin avoua par la suite avoir eu l’impression de côtoyer tout à la fois les frères jumeaux de Woody Allen, Jacques Tati, Lou Costello ou Laurel et Hardy.
The Brink’s job renvoie aux comédies italiennes des années 1960 et américaines des années 1950, à tel point qu’on s’y tromperait dans sa datation s’il n’y avait pas la présence de certains grands acteurs américains des années 1970 comme Peter Falk et Gena Rowlands, (en couple comme dans “Une femme sous influence” de Cassavetes, 1974), Peter Boyle ou encore Warren Oates. Friedkin délaisse le temps d’un film, une grammaire visuelle qui lui était chère, telle que le contrepoint ou l’aspect documentaire. Rien ne fut laissé au hasard : costumes, gestuelle, élocution, la production alla même jusqu’à restaurer le bâtiment originel qui abritait les locaux de la Brink’s.
Et pourtant, sous le ton de la comédie et de l’hommage cinéphile, Friedkin démontre, comment des institutions aussi prestigieuses que le FBI et la Brink’s se ridiculisent en faisant d’un vol commis par des voleurs de bas étage, un complot communiste (lié à la Mafia) en ces temps propices à la paranoïa de la Guerre Froide.
Warren Oates, acteur fétiche de Sam Peckinpah et Monte Hellman, qui incarne Specs O’Keefe, le membre du gang un peu dérangé, y livre une performance exceptionnelle d’une grande émotion. A travers lui, Friedkin insére dans le film une réflexion profonde et mélancolique sur la disparition du cinéma des années 70 et de ses personnages de marginaux flamboyants jusqu’au boutistes.
«Les immeubles, c’est comme les gens. Ça a des secrets à confier. Faut savoir regarder. T’en as, c’est des petits marioles. Tu vois ? Ils crânent, ils te toisent, l’air de dire : «Ose un peu t’attaquer à moi». T’en as d’autres qui sont cons. Comme Brink’s. Tout gosse, plutôt que d’y bosser plus tard, je me serais suicidé. Les employés s’y ennuient. Ils sont morts. Ils manipulent le fric, comme des tas d’ordures. Ils n’ont plus de jus. L’immeuble dort. Et tout cet argent est là, prisonnier… et il m’appelle à travers les murs : «Tony, viens me prendre ! Sors-moi de là !» Alors, je vais y aller… et le faire sortir ! » (Peter Falk dans The Brink’s Job)
Olivier Puech
Le programme complet de la rétrospective
Friedkin Connection : une rétrospective
Du mardi 29 janvier
au dimanche 3 février 2019
Voir le programme de la rétrospective
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