«Tout ce qu’on rêve est fiction et tout ce qu’on accomplit est science, toute l’histoire de l’humanité n’est rien d’autre que de la science-fiction.» Ray Bradbury.
Du 6 au 10 septembre, Videodrome 2 vous invite à découvrir sa sélection de rêves, d’ovnis, de dystopies, de voyages dans le temps et d’univers post-apocalyptiques… La Science-Fiction sera à l’honneur pour cette rentrée 2016 ! Reflet de nos espoirs et projection de nos angoisses, la Science-Fiction captive les écrivains depuis Jules Vernes et H.G Welles, pour sa liberté narrative absolue et le regard qu’elle leur permet de porter sur l’humanité. Quoi de plus normal pour ce genre de l’anticipation, de trouver dans le Cinéma la pleine expression de son potentiel évocateur ? La S.F se déclinant en autant de catégories qu’elle a d’auteurs, nous explorerons cette semaine quelques-uns de ses aspects les plus fascinants. Étranges, absurdes ou angoissants, qu’ils soient classiques, muets, ou d’animation, les films de ce cycle se veulent autant d’invitations au rêve et à la réflexion. Ce cycle sera rediffusé du 27 septembre au 1er octobre 2016.
Projet-Elina « Extraits du streaming Elina »
Thomas Lasbouygues – 2015, France, 15 min
En présence du réalisateur
Video, dispositif de re-transmission, réseau internet, sculpture de sel, désert de sel, fiction, costumes, drapeau.
Projet évolutif en collaboration avec Guillaume Barth.
2013- 2015
Première étape :
Réalisation d’un streaming vidéo en direct du désert de sel bolivien « le salar d’Uyuni», diffusé sur internet le 16 janvier 2015 à 8PM, heure de Paris sur le site : www.projet-elina.com.
Durée : 25 min
À l’origine du projet, les deux artistes Guillaume Barth et Thomas Lasbouygues décident de partir en Bolivie sur le désert de sel d’Uyuni pour explorer une nouvelle planète fictive, Elina. En créant de toutes pièces cette nouvelle planète, les artistes-explorateurs jouent sur l’ambiguïté entre fiction et réalité présente dans les retransmissions en direct des explorations spatiales historiques qu’a connues le genre humain, et se fendent d’un planter de drapeau aussi symbolique que jouissif.
Réalisé et tourné dans la même temporalité que sa diffusion via un système de communication satellite, le film Elina retraçant leurs expériences a ainsi une existence éphémère, plus proche du mirage que du documentaire. Il était possible de voir le film sur le site web dédié, et lors de certaines séances de projections en direct dans des espaces d’arts choisis en Europe.
Crédits Photographies : François Klein
En choisissant de ne garder aucunes traces de leurs présences sur Elina, mais en privilégiant une retransmission directe via un dispositif de diffusion qui utilise la technologie et l’ingénierie propre à l’exploration spatiale (ondes, satellites…), les artistes se placent d’emblée dans un entre-deux à la fois spatial et temporel, mettant en valeur le concept « d’interplanet ».
C’est cette ambiguïté, cette tension qui donne alors sa force au film, obligeant les artistes à gérer en direct les paramètres pouvant entraver sa transmission dans le même temps que les références visuelles aux images de la marche sur la Lune de Neil Armstrong et Buzz Aldrin le 21 juillet 1969 évoquent une impression de « déjà-vu » chez le spectateur.
Crédits Photographies : François Klein
En utilisant la technologie issue de l’exploration spatiale, et en créant ce dispositif de transmission en direct, les artistes créent une oeuvre hybride dans laquelle fiction et réalité se mêlent pour mieux révéler l’expérience inhérente à cette exploration aussi captivante qu’hallucinée.
Aelita
Yakov Protazanov – 1924, URSS, 1h53, Muet
Après avoir assassiné sa femme dans un accès de jalousie, Los décide de fuir la Terre à bord d’un appareil spatial construit par ses soins. Accompagné de Gussev et de Kravtsov, son voyage le conduit sur la mystérieuse planète Mars où ils sont reçus par une reine au pouvoir affaibli, la belle Aelita. Politiquement rendu instable par des querelles intestines, le gouvernement de Mars doit faire face au mécontentement grandissant des Martiens. Pour freiner toute velléité de rébellion, le Premier ministre fait alors emprisonner Los et ses compagnons. La révolution de Mars est en route.
Lorsque Sergueï Eisenstein réalise La Grève en 1924, il s’agit là de son premier film. Yakov Protazanov, lui, n’est pas de la génération révolutionnaire, puisqu’il a commencé sa carrière sous le régime tsariste. Après plusieurs années d’exil, suite aux troubles de la Révolution d’Octobre, il décide pourtant de rentrer dans la jeune URSS ; c’est là, moins de dix ans après la révolution de 1917, que Protazanov réalise Aelita, l’un des premiers films de science fiction de l’histoire du cinéma.
Le cinéma soviétique, de 1917 aux années 40, est essentiellement un cinéma de propagande. De grands réalisateurs comme Sergueï Eisenstein ou Dziga Vertov, s’ils se disputent sur ce que doit être la forme cinématographique (« Ciné-poing » dramatique et fictionnel, ou « Ciné-œil » abstrait), s’entendent sur le fond : le réalisateur doit employer tous les moyens de communication et d’éducation des masses, offerts par le Cinématographe, pour les mettre au service de l’idéal révolutionnaire. C’est d’ailleurs ce qui rend ce cinéma si passionnant, sa recherche d’une maîtrise formelle absolue, sa théorisation avancée du montage, cadrage, scénario, etc.
Comme Méliès avant lui, Protazanov décide de nous raconter l’histoire d’un Voyage, non sur la Lune mais sur Mars, à grand renfort de costumes et de décors saugrenus. Néanmoins, les protagonistes d’Aelita ne sont pas de simples voyageurs-argonautes, repoussant les limites de la science – comme Meliès celles du Cinéma – pour explorer l’espace. Ils sont des révolutionnaires dans l’âme, désireux d’apporter le Socialisme Soviétique à tous les peuples opprimés.
Le voyage sur Mars est donc prétexte à l’explication pédagogiques d’une partie des théories marxistes : on y retrouve des rôles archétypaux – comme le bourgeois manipulateur Viktor Ehrlich ou Los, le héros, brillant ingénieur – ainsi qu’une critique du régime capitaliste totalitaire à l’œuvre sur Mars. Les prolétaires y sont exploités jusqu’à l’épuisement, voire placés en hibernation lorsque leur travail n’est pas requis.
Cependant, l’histoire de Yakov Protozanov invite peut être à une relecture de son oeuvre. Par son côté documentaire, lorsqu’il nous montre Moscou en 1924, Aelita ne cache pas non plus la réalité de l’état du pays durant cette période. La difficulté de la vie sur Terre, ainsi soulignée par Protazanov, ne trahit-elle pas ses doutes idéologiques ? Mars ne serait plus alors que le lieu fantasmé des espoirs utopiques et amoureux du héros, dont le retour sur Terre signifie sa résignation.
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