Trois films magnifiques ressortent en salle aujourd’hui, bijoux du tournant des années 70-80 produits par Diagonale. Beau temps mais orageux en fin de journée de Gérard Frot-Coutaz visite le quotidien étriqué d’un vieux couple de Bellevillois (Micheline Presle et Claude Piéplu) à la façon d’un petit théâtre boulevardier. Un goût de névrose familiale….
Beau temps mais orageux en fin de journée
de Gérard Frot-Coutaz – 1986, France, 1h25
Jacques et Jacqueline sont mariés depuis quarante ans. Leur vie commune balance entre la tendresse et l’agacement. Parfois, Jacqueline perd un peu la tête et elle se sent partir ailleurs. Et aujourd’hui, l’atmosphère est à l’orage. Bernard, le fils, a prévenu qu’il venait déjeuner. La nouvelle panique d’autant plus Jacqueline que son fils a annoncé qu’il serait accompagné d’une jeune fille. Bernard vient si peu souvent et Jacques ne fait pas les choses comme Jacqueline le voudrait. Arrivent Bernard et Brigitte, qu’il a emmenée avec lui. Pendant le repas, Jacqueline évoque sa folle matinée puis son passé. Et le poulet se révèle trop cuit…
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Y’a vraiment des types pas comme les autres. Pour son premier long métrage en 1985, Gérard Frot-Coutaz, de la bande à Diagonale (Vecchiali, Biette, Guiget, Treilhou…), décédé en 1992, auscultait le vieillissement avec de faux airs de vaudeville porté à l’écran, accostant sur des rives cruciales et rarement abordées, s’attaquant à la carcasse récalcitrante des vieilles névroses de couple avec une rare perspicacité. Frot-Coutaz, en compagnie de Jacques Davila, écrivit pour des acteurs dont il rêvait, Micheline Presle et Claude Piéplu, dont le duo met en évidence de désarmantes réalités. Jacques et Jacqueline sont deux anciens instits qui attendent leur fils Bernard (Xavier Deluc) accompagné d’une dénommée Brigitte (Tonie Marshall) à déjeuner, pour lequel ils ont décidé de faire un poulet, désigné illico comme running gag et objet transitionnel. Cet homme et cette femme, intelligents, qui s’aiment indubitablement, vivent à l’âge de la retraite un enfer permanent. Ce que décrit Frot-Coutaz avec la tendresse d’un humaniste et le scalpel d’un entomologiste, c’est un drame quotidien dont personne ne parle jamais, vécu par des millions de gens, considéré avec un haussement d’épaules comme faisant partie de la vie. Jacques et Jacqueline ne se comprennent plus ou trop bien, ils sont des étrangers trop familiers qui se livrent une guerre sans merci (laquelle serait possiblement un pis-aller à la peur du vide). L’hystérie féminine, cette déception-mais-de-quoi, cet épuisement dépressif qui habite tant de femmes passées la soixantaine est clairement désigné du doigt, sans méchanceté, avec un effarement lucide. Qui est ce monstre égotiste et flippé qui ne laisse pas respirer ses proches, ce moulin à paroles, à peurs et à obsessions qui désherbe toute tentative d’exister à trois lieux à la ronde ? Est-ce la facture de la domination masculine que les femmes sortent sur le tard ? Serait-ce ovarien ? Un film important si on s’intéresse au genre humain hétéro, occidental, instruit.
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