Séance Sinistre Sans Suite

Begotten est un travail sur pellicule long de quatre années, qui tente de faire une saisie morbide et sauvage de thèmes religieux judéo-chrétiens et païens initié par les pensées de Friedrich Nietzsche et Antonin Artaud. E. Elias Merhige, le réalisateur, se dégage de l’aspect fictionnel de son film pour s’engager dans un travail expérimental de l’image suivant des processus de dégradation du matériel pendant et après le tournage donnant
à Begotten cet aspect charbonneux, lointain et bruyant. Exempt de dialogues le film nous contraint à l’expérience pure de l’image qui est ici souvent longue et douloureuse, peut-être parce que le regard y est aussi sollicité à dégager des formes et du sens à l’intérieur de ces masses grouillantes aux noirs profonds et aux blancs saturés.

« Le temps dépeint dans Begotten est antérieur au langage parlé, la communication s’effectue à un niveau sensoriel. »*

Seule une bande son organique de piaillements, murmures et sifflements parcourt le film venant le hanter progressivement d’une atmosphère sèche et aride ne faisant qu’amplifier cette sensation d’errance en terre désolée. Souvent affilié au cinéma d’horreur Begotten s’est vu attribuer une image sulfureuse de
film dérangeant et insoutenable au regard ; image qui met en souffrance le film pour ce qu’il exprime dans son essence à savoir comment se fabrique une image et ce qu’elle libère du langage.
Le film qui s’intéresse aux mythes de la création est en soi une manière de nous parler de la mythologie des images.

* E. Elias Merhige, Notes sur le film Begotten, 1991