Édito

 

 

 

Depuis son ouverture en 2015, Videodrome 2 a tissé un lien particulier avec une musique et des musiciens particuliers. Dans la droite ligne de la place laissée au cinéma expérimental dans notre programmation, nous accueillons depuis 7 ans toutes sortes d’expérimentateurs sonores, en premier lieu desquels les élèves des classes d’électroacoustique du Conservatoire de Marseille et de la Cité de la Musique.


Il Maggio dei Sradicati

de Loup Uberto

« Vaste expérience documentaire, fabrique littéraire, sonore et photographique, menée en Italie, en France, en Tunisie, en Grèce et sur les routes, le « Mai des sans-racines » est un ouvrage d’archivage abondant et de long terme comprenant un fond d’enregistrements, de nombreux collectages de terrain, une phénoménologie du chanté, un corpus d’entretiens et le tirage artisanal d’une large série de photographies argentiques.

Le terme « Maggio » rend hommage à une tradition discrète d’épopée populaire de l’Appennino émilien et Toscan, un drame musical dans lequel il était d’usage que l’écriture poétique et sa mise en musique soient pratiquées collectivement par des auteurs ruraux et des cliques villageoises. Sous sa forme la plus simple, c’est une mélodie lancinante propre à chaque bande, inlassablement répétée par un seul violon et reprise tour à tour par chaque membre d’une compagnie de chanteurs déroulant l’oeuvre épique pendant parfois plus de cinq heures. Le Maggio est associé historiquement à la résistance contre le fascisme, on le chantait dans les maquis durant la deuxième guerre mondiale mais on le trouve mentionné bien plus tôt, furtivement, ici et là, jusque dans la Comédie de Dante. Son usage se perpétue après-guerre grâce au concours solidaire de paysans, de militants et d’intellectuels bolognais, aujourd’hui demeurent quelques rares compagnies de Maggio, s’appliquant avec un bel artisanat à conserver les textes, costumes et mélodies dans leur formalisme classique, en organisant de nombreuses fêtes populaires tout au long de l’été.

Il me semble que le caractère essentiel de cette pratique pourrait être considéré comme frère de certaines tentatives contemporaines d’ouvrages collectifs, qu’ainsi une manière d’honorer son héritage serait d’imaginer au présent de nouveaux objets culturels singuliers, œuvres maggistiques des « sans-racines ». Chercher à faire apparaître, en son défaut, l’écriture partagée d’une culture déshéritée, faire clique des rejetons du manque, enfantés aussi bien par le crépuscule des habitus populaires que par les hurlements bruitistes, par les places publiques des villages comme par le fourmillement des flux numériques.

Depuis une dizaine d’années, par passion et sans application précise, je mène des enregistrements de terrain avec ce même décor. Au gré du chemin, de nombreux fragments de musiques populaires, exilées, expérimentales… se sont vus ainsi compilés dans une sorte d’archivage joyeux et indémêlable : musique ‘brut’ cubaine, chants kurdes de Syrie, luttes du bassin minier tunisien, processions mystiques de la tribu Ouled Sidi Abid, mélodies paysannes du Piémont italien… des archives réalisées en bonne intelligence avec celles et ceux qui en sont les protagonistes, avec un goût certain pour l’accident et chaque bifurcation possible vers force bricolages et compositions collectives…

Je n’ai pas d’idée claire quant à la destination de ces archives… documents libres, instantanés, voix qui chantent et parlent, dont les chants et les récits sont associés à un lieu existant ou fantasmé, à un moment, à un pays, à un souvenir qui a compté, et dont ils et elles se sont trouvées éloignées, géographiquement ou conceptuellement, pour une raison ou pour une autre… »

Loup Uberto

Loup Uberto agit dans le vaste cercle des musiques improvisées et des expériences phoniques singulières. Oscillant aux frontières de l’artisanat documentaire, de la photographie, de l’installation et de la performance, il mène de nombreux arpentages sonores : musique “brut“ cubaines, carnets de voyages est-européens, chants kurdes de Syrie, luttes et mystiques du bassin minier tunisien, chants de travail et de gestes italiens… Sa pratique fugitive du collectage interroge le manque et le déracinement, documente l’errance, l’exil, le trouble et le labeur contemporain…

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Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.

Planifié Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille Carte