« Il est tout à fait remarquable que ce soit par le moyen de l’imagination non seulement individuelle mais collective que nous opérons la prise de conscience de notre situation dans l’histoire. Cet imaginaire social et culturel n’est pas simple mais double. Il opère tantôt sous la forme de l’idéologie, tantôt sous la forme de l’utopie. Avec cet imaginaire double, nous touchons à une structure essentiellement conflictuelle. » Dans Utopie et Idéologie, Paul Ricoeur propose l’hypothèse que la fonction la plus radicale de l’idéologie est inséparable de la fonction la plus radicale de l’utopie, et que toutes deux rencontrent le même point crucial, celui de l’autorité. Si toute idéologie tend à légitimation et la conservation d’un système d’autorité, toute utopie, en fin de compte doit s’affronter au problème du pouvoir. L’utopie est rendue possible parce qu’il existe un problème de crédibilité dans tous les systèmes de légitimation et d’autorité.


Cette perspective semble aujourd’hui un impensable de nos sociétés où prédomine l’idée que le libéralisme représente la seule organisation socioéconomique réaliste et possible. A l’heure pour autant où de nombreux signaux la contredise, fini les désirs de Grand Soir, fini l’utopie, le mot révolution est tabou et nous fêterons cette année le cinquantenaire de Mai 68 qui n’en finit pas d’être liquidé. Pourtant, le besoin de changement se fait ressentir toujours plus cruellement alors que les injustices sociales s’exposent les nerfs à vif, que les inégalités criantes et grandissantes se retrouvent justifiées par un système de concurrence galvaudant la maxime hobbesienne « l’homme est un loup pour l’homme » par temps de catastrophe écologique annoncée. Or, il s’agirait, en suivant le mot d’ordre inscrit dans l’appartement de La Chinoise, « confronter les idées vagues avec des images claires » et répondre à des « Nocturama » ancrant l’image d’une jeunesse actuelle nihiliste et désenchantée, aux objets de contestation épars et parfaitement absorbés par les modes de séduction et de consommation capitalistes. Il s’agit avec ce premier mini-cycle en 4 actes et dans 4 pays d’entrevoir comment le cinéma s’est emparé et a réfléchi les bouleversements des années 60. Fabriqués dans le temps fort des luttes et des utopies sociales et politiques de contestation (La Chinoise de Jean-Luc Godard, Nuit et Brouillard au Japon de Nagisa Oshima), enfant né de l’échec du renversement de l’ordre établi et de l’atomisation des consciences (Milestones de Robert Kramer) ou retravaillant à l’aune du présent leurs histoires (Une jeunesse allemande de Jean-Gabriel Périot), ces films embrassent et interrogent les contradictions et les échecs de ces luttes. Ils sont surtout l’occasion d’un regard rétrospectif autant que d’une introspection qu’intègre chaque film au travers de partis pris formels forts (théâtre et distanciation brechtienne, montage d’archives, entremêlement de la fiction et du documentaire…) « Le cinéma ne peut pas contrer la machine discursive de la télévision, mais il est pourtant nécessaire. Il a au moins la grâce de rester du côté de l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile. » (Jean Gabriel Périot). Au moment où l’actualité crépite à l’annonce de l’expulsion manu militari de la ZAD de Notre Dame des Landes, préparée par une savante construction de la figure de l’ennemi d’État dans les médias, ces films abordent chacun à leur endroit la question irrésolue et insoluble de la violence et de son inscription dans le corps social. Violence politique comme exercice du pouvoir subi et violence au cœur de l’intime ; horizons de l’action et dérives violentes des luttes et de l’État de droit. Chacun se fait l’écho d’un présent qui n’en finit pas et qui cherche le cinéma comme œil sur l’histoire, l’histoire des luttes, de la résistance, du militantisme qui, par un travail de clarification, doivent se formuler un après pour construire l’image d’un monde à venir.

*Le titre est librement inspiré d’un ouvrage de Georges Didi-Hubermann sur le rôle des images dans la lisibilité de l’histoire : Remontages du temps Subi, 2010


Le programme du cycle

 Voir le programme complet des séances cinéma


Trouver la salle de cinéma

Videodrome 2
49 Cours Julien
13006 Marseille

Voir le plan d’accès


Les tarifs des séances cinéma

Adhésion annuelle indispensable
à partir de 3€

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
2€ pour les séances jeune public

La carte Cycle 6 séances + adhésion annuelle
25€

La carte 10 séances + adhésion annuelle
45€

Ouverture de la billetterie 30 minutes avant le début de chaque séance


(Re)découvrez la sélection thématique du vidéoclub « Lutte et cinéma »

Harvey Milk – Gus Van Sant
Août (avant l’explosion) / Pour un seul de mes deux yeux – Avi Mograbi
Salvador Allende – De Patricio Guzman
Concerning violence – Göran Hugo Olsson
Une jeunesse allemande – Jean-Gabriel Périot
Les groupes Medvedkine Sochaux – groupes Medvedkine
Eau argentée – Ossama Mohammed, Wiam Simav Bedirxan
On fera des films comme on balance des cailloux – Les scotcheuses
L’heure des brasiers – Fernando Solanas
Les amants réguliers – Philippe Garrel
Avoir 20 ans dans les Aurès – René Vautier
Citizenfour – Laura Poitras
5 caméras brisées – Emad Burnat & Guy Davidi
The magdalene sisters – Peter Mullan
La grève – Sergueï M. Eisenstein
Terrorisme, mythes et représentations / L’Allemagne en automne  – Thomas Elsaesger, Rainer W. Fassbinder
Le fond de l’air est rouge – Chris Marker
Le cuirassé Potemkine – Sergueï Mikhailovich Eisenstein, Grigori Aleksandrov
No – Pablo Larrain

À laquelle on peut rajouter :

United red army – Koji Wakamatsu
La saison de la terreur – Koji Wakamatsu
Milestones / Ice – Robert Kramer

Voir le catalogue complet du vidéoclub

 

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