Édito
Au départ, il y a une contradiction : Jean Epstein écrit en 1926, « à l’écran, il n’y a pas de nature morte ». Et pourtant… Il y a les citrons immobiles de Jour après jour (Jean-Daniel Pollet, Jean-Paul Fargier, 2006). Il y a les plans d’objets de Solaris (Andreï Tarkovski, 1972), les vanités décomposées d’Être vivant et le savoir (Alain Cavalier, 2019). Et pourtant… Il y a les avant-plans du cinéma de Fassbinder qui réinventent les natures mortes inversées du XVIe siècle. Et pourtant… Il y a Peter Greenaway et les animaux en putréfaction de Zoo (A Zed and Two Noughts). Il y a Le Diable probablement (Robert Bresson, 1977) et ses images d’une nature abîmée. Il y a le memento mori humain de Memoria (Weerasethakul, 2021) et Z.P.G. (Michael Campus, 1972) et ses sapins synthétiques. Et pourtant donc, les natures mortes troublent le cinéma de leur présence paradoxale et attestent de la migration d’un genre pictural vers un médium aussi contemporain que le cinéma.
À l’arrivée, il y a donc une question : comment peut-on voir dans un portrait de femme le souvenir d’un bouquet de fleurs ? et dans un arrêt sur image celui d’une vanité ? Et surtout, de quoi ces rémanences picturales sont-elles le signe ?
À partir d’une sélection de quatre longs-métrages tirés de son corpus de thèse et de quelques planches iconographiques, Marianne de Cambiaire présentera son travail de recherche doctorale qui porte sur les métamorphoses de la nature morte au cinéma à l’heure où la nature se met de plus en plus à ressembler à une vanité.
« Femme-fleur filmique : le végétal, de l’aliénation à l’émancipation »
par Marianne de Cambiaire | Présentation de 20 minutes
Juliette des esprits (Giulietta degli spiriti)
de Federico Fellini | 1965 | Italie, France | 2h09 | Pellicule 35mm
Giulietta est une femme très discrète. Mariée à Giorgio, très occupé par ses affaires amoureuses et professionnelles, Giulietta est restée dans une sorte d’adolescence dont une éducation religieuse stricte, une mère imposante et un mari indisponible n’ont pas su la faire sortir. A la suite d’une séance improvisée d’occultisme, elle reçoit un appel mystérieux d’une certaine « Iris » qui représente les forces primitives refoulées en elle : démarre alors un cheminement intérieur qui mène Giulietta vers un épanouissement véritable.
Ce film qui est pour Fellini son « premier vrai film en couleurs » donne à voir le chemin qui mène un personnage féminin vers un épanouissement qu’on peut dire éminemment végétal. Fleurs, arbres et végétaux en tous genres, le film ne cesse de convoquer le végétal de diverses manières, au point que celui-ci devienne un motif puissant à même de penser la transformation de Giulietta. En effet, si le chemin emprunté par le personnage féminin possède de véritables accents psychanalytiques, c’est en empruntant au végétal sa manière d’être au monde que Giulietta parvient finalement à une existence pleinement vivante ; un paradoxe si l’on pense à ce que veut dire « état végétatif » dans le langage courant. C’est que Fellini oppose dans ce film deux états du végétal profondément différents : la fleur coupée et l’arbre enraciné se disputent l’avant-plan et viennent signaler dans l’image la survivance d’un trope littéraire et iconographique bien connu, la femme-fleur. Ce film est projeté dans le cadre d’un court cycle dédié à la nature morte au cinéma ; celui-ci sera précédé d’une présentation portant sur les rapports entre féminin et végétal au cinéma.
Informations pratiques
Rejoindre l’évènement Facebook
La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
Toutes les séances du cycle