Il ne faut jamais jurer de rien, on le savait, et cela nous a été confirmé brutalement tout récemment. Pari pris, notre décision de conduire un festival en salles, avec des films en grandeur nature, avec du son approprié, avec des hôtes venus accompagnés leurs travaux, avec du public pour aller à leur rencontre, au moment où l’on pensait devoir y renoncer et se contenter d’une manifestation en ligne. Premier festival de cinéma post-Covid au monde, a-t-on pu dire. Nous allons faire de notre mieux. Ce sera une version moins peuplée, et d’invitées et d’invités, et de films, mais de qualité sans doute aucun non moindre que par le passé.
Réjouissons-nous, car les propositions fortes ne manqueront pas au rendez-vous.

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Vous trouverez ici le programme du FID Marseille 2020 par jour, par lieu, par film.


10h00

Liminal

de Lav Diaz, Philippe Grandrieux, Manuela De Laborde, Óscar Enríquez / Mexique, France, Philippines / 2020 / Couleur et Noir & blanc / Stéréo / 65’

Liminal est une commande passée par le FICUNAM auprès de quatre réalisateurs. L’objectif était de jouer des affinités poétiques entre cinéma et musique. Ces réalisateurs, de générations et d’esthétiques différentes, explorent cette relation à travers quatre récits distincts de par leurs contextes et de par leurs imaginaires. Au sein du cinéma d’auteur mondial, Philippe Grandrieux et Lav Diaz partagent une affinité pour la radicalité de la forme cinématographique, et tous deux font preuve d’une inventivité dans la relation pratique de leur narration à la musique. Avec La lumière la lumière, le cinéaste et artiste français évoque la relation obsessionnelle qu’entretiennent deux femmes dont l’existence est retenue à une voix lugubre et au fameux Saturn Drive Duplex d’Alan Vega et Marx Hurtado. Dans The World is Cold, le cinéaste philippin décrit la vie d’un jeune homme et de ses rêves musicaux entremêlés à des images d’un futur empêché, erratique, fantasmagorique. Usant d’une esthétique très différente, Manuela de Laborde et Óscar Enríquez, deux jeunes réalisateurs d’origine mexicaine, abordent très différemment le phénomène musical. Au moyen d’un tissu sonore chaotique, Manuela de Laborde nous embarque vers trois paysages radicalement distincts dans son Azúcar y saliva y vapor. Elle y fabrique une texture musicale subtile et sensuelle sur fond d’un leitmotiv. Óscar Enríquez, dans Lady Lazaro, se sert du chant lyrique comme protagoniste, moyen surnaturel de guérison spirituelle pour les âmes brisées. (J.A.)


11h30

Une Maison

de Judith Auffray / France, Suisse / 2019 / Couleur / HD, Stéréo / 82′

Pas un foyer ni un centre spécialisé. Une maison : c’est ainsi qu’une mère qualifie simplement le lieu de vie – comme leur inspirateur Fernand Deligny nommait jadis le sien à Monoblet – où son fils réside depuis plusieurs années. Et c’est ce même mot que Judith Auffray retient pour titre de son premier long-métrage, filmé au sein du lieu de vie et d’accueil Tentative à Saint-Hyppolite-du-Fort dans les Cévennes, créée en 2004 par l’ancien collaborateur de Deligny, Thierry Bazzana. Parler d’une maison, c’est séparer radicalement du cadre médical des jeunes autistes que ces lieux accueillent et font sortir de l’enfermement en structurant leur existence autour de tâches du quotidien ; Auffray s’attache à les filmer avec autant d’assiduité qu’ils ont à les accomplir : petit déjeuner, linge, toilette, épluchage, etc. Parler d’une maison, c’est lier ceux-ci à l’histoire d’un lieu et à l’existence d’un soin. Et c’est ce cadre prosaïque, dénomination simple d’un lieu où d’ordinaire tant de romans s’écrivent et se procrastinent, où se joue et s’exprime joie et désespoir de l’existence, que la réalisatrice peuple peu à peu de mots, de descriptions et d’idées lumineuses, dans une structure aussi belle que souple. Au second tiers, ce sont des mots qui apparaissent, tirés de lettres écrites à la fin des années 70 par Deligny aux parents de ceux dont il s’occupait. Puis les paroles des parents des résidents actuels de la maison ; de sorte qu’à la fin cette maison bruisse des gestes, mots, idées et voix qui manifestent toute la clarté dans laquelle baignent aujourd’hui des êtres sortis de leurs limbes. (A.T.)


14h00

Pajeú

de Pedro Diogenes / Brésil / 2020 / Couleur / HDV, Dolby Digital / 74’

Terrifiée, une jeune femme garde les yeux rivés sur une inquiétante monstruosité, sorte d’esprit païen jailli d’un cours d’eau. Ainsi s’ouvre Pajeú, du nom de ce dernier, fiction fantastique qui emprunte les méandres de la rivière pour conduire le récit. Afin de se débarrasser d’un rêve qui contamine sa vie, Maristela enquête sur l’histoire du Pajeú, aujourd’hui oublié, enfoui dans les entrailles de la ville de Fortaleza. Le film fait des transformations urbaines successives conduisant à l’enfouissement du Pajeú un mystère aux accents surnaturels. Il organise un univers paranoïaque sobrement mis en scène. Les visions cauchemardesques servies par une bande son électro aux sonorités métalliques traduisent l’anxiété de la jeune fille qui sombre peu à peu dans un état dépressif : retrait jusqu’à l’isolement, sensations de paralysie, angoisse de la disparition, mélancolie. La frontière entre rêve et réalité s’efface. Pajeú intrique habilement les genres. Tour de force du film et de son économie de moyens, la quête de réponses de la jeune femme, brillamment interprétée, offre l’occasion de recueillir la parole des habitants de Fortaleza, de retracer l’histoire de cette ville, introduisant au cœur de la fiction une matière documentaire inattendue. Pajeú devient la chambre d’écho de générations inquiètes de la destruction de leur environnement, de leur impuissance face aux métamorphoses urbaines incontrôlables, de leurs préoccupations écologiques, de l’effacement de leur histoire. Quand Maristela prend le micro dans une ultime scène de karaoké solitaire, c’est pour chanter d’une voix dissonante la dépossession… jusqu’à la disparition. (C.L.)


15h30

 散买卖不散交情
A Peaceful Divorce

de Sidi Wang / Chine / 2020 / Couleur / HD, Stereo / 19’

Une première conversation sur internet – il y en aura deux. Une jeune femme répond à un ordinateur d’où sort la voix d’un homme, sans doute son père. Dehors, la nuit, et les immeubles, où brillent des douzaines de fenêtres semblables à celle-ci. La conversation nous fournit la clé : la Covid a frappé la Chine, tout le monde se terre chez soi et regarde des films.
Encadré par deux conversations avec le père absent, A Peaceful Divorce s’attache aux espaces et aux gestes du quotidien du confinement. La réalisatrice filme le salon, la cuisine, les fenêtres qui reflètent l’intérieur plutôt qu’elles ne suggèrent l’échappée vers le dehors. La mère se teste avec une machine d’usage compliqué, le beau-père fait la cuisine. Mais des images d’une texture différente viennent dérégler cet enregistrement du quotidien : un homme autre est vu dans la même cuisine souriant à la caméra avant de goûter un fruit, une réjouissance familiale avec des visages différents voit la jeune femme faire des grimaces à la caméra. La deuxième conversation avec son père viendra éclairer l’enjeu du film : traiter du divorce de ses parents, qui la mène à être confinée avec sa mère mais sans son père, présent seulement par la voix. Le mélange d’images se révèle alors comme une stratification de temps, une invocation du père aimé et absent, par des images enregistrées à une autre époque. L’enjeu ? Transformer l’expérience vécue en matière filmique, le manque affectif en réseau d’images. (N.L.)

 

ch…

de Florence Pazzottu / France / 2020 / Couleur / HD, Stereo / 19’

La langue, les mots et les images, leur dédale sont questions cruciales pour Florence Pazzottu, écrivaine et cinéaste. On a pu voir Trivial poème (FID 2017) qui conjoignait geste politique et écriture poétique ainsi que La pomme chinoise (FID 2019) qui interrogeait comment se dessinent en chacun les récits dont on hérite. De mots il s’agit encore ici, cœur de la rencontre avec Mili Pecherer. En premier lieu, ceux qui nous désignent et nous fabriquent, et ceux que l’on façonne comme elle le raconte pour ses propres noms : être nommée, choisir son nom pour mieux s’en défaire selon les désirs ou les mouvements de la vie. Histoires de migration d’une langue à l’autre, l’hébreu, le russe, le français, avec les métamorphoses qui s’y glissent, malgré nous, malgré eux. Avec Marseille pour toile de fond, s’y dessine une politique du verbe, de la parole et des géographies. Une vie aussi, et ce que cela engage : How glorious it is to be a human being pour reprendre le beau titre du film de Mili Pecherer (FID2019). Les mots, mais également le silence ou l’éblouissement d’avant les mots. Sans oublier le regard. Est-il possible de « chuchoter avec les yeux », se demande Mili Pecherer ? Tout est là, offert dans une transparente opacité, à l’instar de l’apologue final, et de la dernière vignette. Question de magie, accordée sur le ton libre d’une conversation mezzo voce, dans ce film où Florence Pazzottu prend le délicat parti de s’effacer, nous rendant tout à la grâce de cette rencontre, à nous du coup adressée. (N.F.)

 

Tendre

de Isabel Pagliai / France / 2020 / Couleur / HDCAM, Dolby Digital / 43’

Une petite fille, une dizaine d’années mais la langue déjà bien acérée, assise sur l’herbe au bord d’un étang, parle avec son frère, hors-champ. Ils parlent de Chaïnes, que le frère a aimée, ou pas : la petite insiste, le frère l’a bien aimée. Sans que la perception en soit nette, le film bascule dans le souvenir d’Hugo, et les instants passés avec Chaïnes auprès de ce même étang, quelques mois auparavant. Les deux adolescents se cherchent, se trouvent, se charrient, se font charrier par les passants. Aux environs, Mia, la petite sœur, apprend la pêche avec un ami ; des bandes rivales se cherchent des noises. Le temps passe, mais on ne sait pas trop où il s’écoule…
Tendre raconte une histoire mais ne se construit pas sur la narration : pas d’étapes de récit clairement définies ni de progression linéaire, mais des instants bruts, des blocs de temps et d’espaces qui laissent chacun percevoir un aspect des relations qu’il détaille. Isabel Pagliai s’intéresse aux heures de la journée, aux luminosités variables entre éclat radieux et chien et loup, chacune créant une gradation différente de l’intimité. Car ses plans-séquence fixes se conçoivent avant tout comme des cadres au sein desquels ses acteurs peuvent jouer au sens ludique du terme : non pas faire avancer une narration, mais s’aventurer à exister, y compris avec gravité, pour faire émerger l’éclat inattendu d’intime ou de tendre dont le film se veut le recueil. (N.L.)


17h30

Amor Omnia

de Yohei Yamakado / France / 2019 / Couleur / 35 mm, Mono / 111’

Prenez un poème antique, les Bucoliques, composé par Virgile vers – 40 av. J.-C.. Prenez de ce texte chapitré en dix églogues la traduction française de Paul Valéry parue en 1956. Prenez Yohei Yamakado, un jeune compositeur et cinéaste japonais, féru de littérature et du cinéma le plus tendu (Ozu, J.-C. Rousseau, Dreyer, les Straub, Oliveira,…). Ajoutez-y, avec parcimonie, quelques-uns des amis de ce jeune artiste. Ce n’est pas, vous vous en doutez, l’austérité aristocratique du résultat qui vous surprendra. Ponctué entre chaque églogue de brèves séquences animées avec pondération, c’est en effet un écran noir qui s’impose à nous, tout du long, troué en bas du cadre par le seul blanc des sous-titres, transcription lumineuse des vers du poème de Valéry. On l’aura saisi, dans la lignée des avant-gardes radicales, Yamakado a choisi pour son premier long métrage de faire du cinéma l’espace d’une projection avant tout mentale, affranchie des aléas de figurations, allégée du poids des reproductions. Cinéma, musique de l’avenir, disait un autre cinéaste. Ici, c’est justement la musique d’un lointain passé, celle du poème antique, qui s’accorde à la possibilité d’un chant contemporain, sans gommer la distance, en faisant d’elle au contraire l’arc immense, manifeste, d’un désir palpable. (J.-P.R.)


20h30 – Séance spéciale Angela Schanelec

Schöne gelbe Farbe, référence au Mépris de Godard, superpose l’histoire lue en voix off d’un colocataire devenu insupportable sur des images de l’appartement vide, puis une porte qui claque comme un coup de feu. Weit entfernt rapporte en noir et blanc une conversation téléphonique entre deux femmes, dont l’une déclare qu’hormis les gens qu’elle aime, elle ne voudrait voir les autres qu’une seule et unique fois. Prag, März 92 commence par une phrase programmatique – « Il n’y a pas d’autre temps que le sien propre » – et enregistre des scènes apparemment anodines dans les rues de la capitale tchèque juste après la chute de l’URSS, commentée par un texte de Bohumil Hrabal. Ich bin den Sommer über in Berlin geblieben s’attache à deux couples qui ont du mal à se faire confiance, et montre un éditeur exigeant de son auteur « plus de volonté de se faire comprendre ».

Déplacements automatiques et bruyants de véhicules parmi lesquels surnagent quelques êtres humains, couleurs vives se détachant furtivement d’atmosphères grises saisies entre jour et nuit, inconnus patientant, bière contre leur joue dans un café ou devant un feu rouge avec main bravache sur la hanche, personnages qui se côtoient sans parvenir à s’entendre : ces quatre courts-métrages plantent le décor des films à venir. (M.H.)

SCHÖNE GELBE FARBE

de Angela Schanelec / Allemagne / 1991 / Couleur / 16 mm / 5’

WEIT ENTFERNT

de Angela Schanelec / Allemagne / 1992 / Noir & blanc / 16 mm / 9’

PRAG, MÄRZ 92

de Angela Schanelec / Allemagne / 1992 / Couleur / 16 mm / 15’

ICH BIN DEN SOMMER ÜBER IN BERLIN GEBLIEBEN

de Angela Schanelec / Allemagne / 1993 / Couleur / 35 mm / 49’

 


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