Troisième volet de la carte blanche faite à Aurélien Lemonnier, Phantagma III, la peau qui bouge, se propose de travailler sur la polysémie du mot phantagma à la fois étymon du mot fantôme et du mot fantasme.
La richesse de la proposition d’Aurélien Lemonnier, comme à son habitude, réside dans son éclectisme. Son travail conceptuel s’appuiera tant sur des grands classiques du cinéma, que sur des raretés et sera présenté sous la forme d’une performance mise en images qui introduira et clôturera la semaine de programmation.
Au programme : Tod Browning, Yukio Mishima, Harmony Korine, Luchino Visconti, Martin Rosen, David Cronenberg.
20h30
The Plague Dogs
Martin Rosen, 1982, France/Belgique, Angleterre, 1h43
Passé presque inaperçu lors de sa sortie en 1982, The Plague Dogs de Martin Rosen s’est imposé dans un cercle restreint de cinéphiles comme l’un des chefs d’œuvre du cinéma d’animation. Cette œuvre insolite, où le réalisme et la ligne claire du dessin dignes des classiques de Disney le disputent à une morale profondément pessimiste, n’est certainement pas à la portée de tous les regards. La violence et la cruauté qu’il dénonce n’en font pas un film pour enfants, mais bien plus une parabole sur la condition moderne.
En 1982, les jeunes spectateurs avaient de quoi se rassurer avec un ovni cinématographique autrement plus sage et docile, le débonnaire E.T., un Alien inoffensif dont Spielberg avait fait l’ami des enfants. Alors que le cinéaste américain prenait le contre-pied de toute une tradition de guerres interstellaires entre humains et extra-terrestres, Martin Rosen choisissait, lui, de dénouer les liens indissolubles entre l’homme et son meilleur ami, le chien. Adapté d’un roman de Richard Adams, The Plague Dogs laisse en effet peu de place à la compassion. Nul enfant ici ne vient secourir les deux chiens en fuite, Snitter et Rowf, échappés d’un laboratoire où ils ont subi les sévices des « blouses blanches », scientifiques sans empathie pour leurs cobayes qu’ils épuisent, maltraitent, et jettent dans l’incinérateur sans autre cérémonie quand ils en ont tiré tout ce qu’ils pouvaient. Tout est dit dès la scène d’ouverture : Rowf, un vigoureux labrador, se débat en vain dans une piscine dont les parois lisses ne lui laissent aucune échappatoire, sous l’œil imperturbable de deux hommes qui mesurent à travers cette épreuve sadique son endurance. Le récit de la fuite des deux animaux sera à l’image de cette première scène éprouvante, non pas une découverte enchanteresse du monde et de la liberté, mais une lutte sans merci pour la survie. À la faveur d’une négligence de leurs geôliers, Snitter et Rowf parviennent à s’enfuir et se retrouvent à errer dans les montagnes escarpées de la région de Lake District au nord de l’Angleterre. Cette nature sauvage et peu hospitalière offre peu d’espoir aux deux compagnons qui pensaient trouver hors de leur prison un maître qui les traiterait bien. Tandis que le vieux Rowf (à travers la voix de Christopher Benjamin) ne s’illusionne pas beaucoup sur le sort réservé à ceux qui s’aventurent hors de leur cage, l’opiniâtre et fougueux Snitter (avec les accents pleins de subtilité de John Hurt), trépané et sujet à des hallucinations, veut croire qu’une vie meilleure les attend. Clopin-clopant, et plus vétérans de guerre abîmés qu’aventuriers aguerris, les deux chiens vont apprendre à se méfier des hommes et à ne compter que sur eux-mêmes pour s’en sortir.
Il va sans dire qu’avec ce conte cruel, Martin Rosen est à des lieues des figures anthropomorphisées de Lassie ou Croc-Blanc et plus encore des fables consensuelles de Disney – qui, des 101 Dalmatiens à Rox et Rouky en passant par La Belle et le clochard, a non seulement fait du chien une des figures les plus positives de son panthéon, mais aussi un modèle de sociabilité et de bonne conduite. Libérés du joug de leurs bourreaux en blouses blanches, les deux animaux découvrent un monde encore plus sombre et violent, si bien que loin de s’humaniser au contact des hommes, ils doivent retourner à leurs instincts de chasseurs pour survivre. La vie sauvage n’a rien d’une utopie : chiens et moutons ne cohabitent pas dans une belle entente pacifique mais retrouvent leur place dans la chaîne alimentaire, et les seconds, peut-être parce qu’ils meurent dévorés par les premiers, ne sont pas doués de parole. La faim justifie les moyens : traqués, affamés, acculés, les deux chiens finissent même par dévorer l’homme qui les pourchassait armé d’un fusil et dont « The Tod » (le rusé), un renard solitaire mais bienveillant, les a sauvés en provoquant sa chute mortelle. Traités en parias par une société qui voient en eux des tueurs d’hommes et de moutons, ils deviennent bientôt l’objet de toutes les peurs quand les médias réalisent qu’ils ont pu être en contact avec le bacille de la peste qui faisait l’objet d’expériences dans le laboratoire où ils étaient cobayes. Au récit d’aventures Martin Rosen oppose donc la parabole politique, en superposant sur les images des deux animaux de plus en plus décharnés, les voix des autorités, des scientifiques et des médias qui s’alarment de la liberté de ces pestiférés. On souscrirait à une lecture encore trop enchantée et édulcorée du film en y voyant seulement une charge contre la vivisection et le sort fait aux animaux de laboratoire. The Plague Dogs est encore bien plus sombre et plus amer que cela : le monde qu’il dépeint ne se limite pas aux pratiques nébuleuses de scientifiques peu charitables dans un laboratoire à l’abri des regards, c’est bien du nôtre qu’il s’agit.
Phantagma III, la Peau qui Bouge – Carte Blanche à Aurélien Lemonnier
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