Une fois par mois, NOLIMETANGERE est invité par VIDEODROME 2 à programmer des séances hybrides. MAGMA c’est une rencontre entre des films au geste franc témoignant d’un cinéma imaginaire (pour « en finir » avec les images) et des performances sonores déstructurant le langage, questionnant le cinéma, ou invitant à la rêverie. MAGMA c’est un mélange de langues, sons, bruits, images « de rien », images « de tout », un mélange dense et confus, un mélange inextricable de choses à la fois abstraites et totalement physiques.
DAREDA ダレダ
Masahiko Ueji : keybords | Max Briard : drums | Free rock psyché japonais | 45 min
DAREDA est un duo ou trio synthétiseur et batterie avec parfois un violoncelle basé à Marseille et formé en 2015.
Les membres ont des racines punk, techno, free jazz, rock psychédélic, musique new wave. DAREDA s’étend au-delà de la musique catégorisée et explore la curiosité et la passion pour la musique primitive par l’improvisation. « Nous insistons pour être libres dans la musique pour toujours ».
GodSpeed you ! Black Emperor – ゴッド・スピード・ユ
de Mitsuo Yanagimachi, 1976, Japon, 1h30, documentaire, VOSTEN
Japon, années 70. Les gangs de motards sont de plus en plus nombreux et attirent l’intérêt des médias. Le film suit un membre des “Black Emperor”, la relation avec ses parents après qu’il ait rencontré des problèmes avec la police et ses liens avec les autres membres du gang.
A l’époque du Videodrome monté par Emmanuel Vigne, le premier, l’historique, situé rue Vian, des petites perles du cinéma s’offraient à nous, dont le film GodSpeed you ! Black Emperor. En 2007, il écrit dans le journal Ventilo : « Un curieux petit éditeur américain, dont on ne sait réellement s’il possède les droits des films distribués, s’est spécialisé dans la sortie d’œuvres déjantées, cultes, rares, déviantes. Dans ce riche catalogue, qui ne brille pas par les qualités techniques des pressages (pas de menu, état des films désastreux), penchons-nous sur cet ovni nippon de 1976, dont le nom a inspiré bien évidemment l’un des plus grands groupes canadiens de ces dernières années. Une époque trouble durant laquelle les bikers japonais — les Bosozoku — semaient la terreur sur la nouvelle autoroute ralliant Kobé à Tokyo, rejouant par la même leur version toute personnelle du cultissime Easy rider. Un film fou, très rock’n’roll, entre fiction et documentaire, portant en germe le rejet d’une société rigide par la jeunesse rebelle. »
BOSOZOKU, Les Bosozoku ou la fureur de vivre
Dans une société japonaise policée et ultra conformiste, les Bosozoku font aujourd’hui encore, malgré leur déclin, figure de rebelles. Ils ont marqué plusieurs générations de leur empreinte bruyante et de leurs provocations. Ces gangs de motards ont écumé les routes de l’archipel pendant près de 50 ans semant le chaos dans le paysage urbain nippon. Ils ont porté avec eux l’esprit du Japon ancien, le Yamato Damashii (大和魂) qui désigne un ensemble de valeurs spirituelles et culturelles qui fait figure de code moral.
Les premiers Bosozoku apparaissent dans les années 1950, et bien qu’ils ne soient pas encore désignés par ce terme, on retrouve les prémices du mouvement chez ces bikers chevauchant des motos trafiquées, notamment pour qu’elles fassent le plus de bruit possible. On les appelle d’ailleurs les Kaminari Zoku, les « tribus du tonnerre » à cause du bruit de leurs engins. Leur inspiration provient tout droit des États-Unis, avec notamment le film La fureur de vivre de Nicholas Ray en 1955. Les premiers membres de ces gangs de motards sont des vétérans de la guerre qui ne pensaient pas revenir vivants ou des Kamikaze qui ont vu leur mission annulée. Incapables de reprendre une vie classique dans la société japonaise, ils ont cherché une manière de créer l’esprit de camaraderie et de danger qu’ils avaient connu au front, et c’est ainsi que se formèrent les premiers clans de Bosozoku. Le mouvement ne tarda pas à prendre de l’ampleur et dans les années 1960, ces groupes de jeunes, issus des classes populaires, bien décidés à remettre en cause les règles établies en défiant l’autorité, se multiplièrent à travers le Japon.
La chute de la contre-culture Bosozoku est due à la crise économique qui frappe le Japon dans les années 1990 désignées comme étant la « décennie perdue » et aux nouvelles lois, plus répressives, liées au trafic apparues au début des années 2000.
Bien que quasiment éteint, le mouvement Bosozoku a marqué le Japon et l’ampleur qu’il a pris en fait certainement la contre-culture la plus puissante qu’ait connu l’archipel. Même à l’international, on reconnaît facilement ces rebelles à moto qui ont été importés en Occident via les mangas, grâce à quelques-uns des héros les plus charismatiques comme Kaneda et sa bande dans Akira de Katsuhiro Otomo ou l’indémodable Onizuka des séries GTO ou Shonan Junai Gumi de Tôru Fujisawa, Bosozoku pur jus qui portent avec eux tous les stéréotypes du genre.
MITSUO YANAGIMACHI, Vers un réalisme poétique de la révolte
D’octobre 74 à juillet 75, avec une caméra 16 mm, Mitsuo Yanagimachi a filmé la vie quotidienne d’une bande de motards Shinjuku qui compte environ cent membres et qui fait partie de la vaste organisation Black Emperor. Yanagimachi fonde alors sa propre société : Gunro Productions (Productions de la bande de loups), il s’agit de son premier long métrage documentaire. Le film fait scandale par son sujet, mais devant le succès remporté, une des majors japonaises, la Toei, en achète les droits et distribue le film, gonflé en 35 mm, dans tout le Japon.
En 1979, il tourne en 35 mm couleurs, son premier long métrage de fiction Le Plan de ses dix-neuf ans, d’après le roman de Kenji Nakagami, présenté à Cannes en 1980 à la semaine de la critique. Au Japon, le film fait sensation dans un cinéma en pleine dégradation artistique, et une grande partie de la critique défend ce film inhabituel. Le critique Nobuhiro Kawanaka écrit par exemple : «(…) Il s’agit là d’un film réaliste. Le monde qui y est dépeint frappe le spectateur par la volonté déterminée de rester dans le concret. Concret qui, au fur et à mesure que le film se déroule, finit par coller à celui qui le regarde. Le seul film qui m’ait fait éprouver un phénomène d’identification semblable est, je crois, celui que Nagisa Oshima a tourné en 1960, Contes cruels de la jeunesse (…)».
Son troisième film L’Adieu à la terre est sélectionné à Berlin en 1982. Les Feux d’Himatsuri est présenté à Cannes en 1985 à la sélection « Un certain regard ». Son cinquième long métrage Shadow of China est co-produit avec les États-Unis.
Avec 5 films Yanagimachi a pu constituer une œuvre cohérente qui exprime diverses contradictions du Japon contemporain. Son réalisme documentaire, évoluant progressivement vers un réalisme poétique et même fantastique, compose en particulier le tableau d’une certaine jeunesse désaxée, dans un pays devenu trop vite trop riche, au gré des malversations financières et des scandales politiques. Lorsqu’on l’interroge sur son sens du réalisme et ses influences éventuelles, le cinéaste répond : « Je considère les films de Bresson comme mon livre de chevet. J’admire aussi beaucoup Kenji Mizoguchi. Il utilisait rarement les gros plans, et avait une façon de filmer très froide, objective, presque documentaire. Le cinéma de Bresson est évidemment très différent du monde de Mizoguchi, mais tous deux partagent un point de vue froid, détaché, auquel je pense m’identifier ».
Yanagimachi reste essentiellement le témoin d’un Japon contemporain rongé, selon l’écrivain Donald Richie, par la dégradation, que ce soit celle de la famille, de la vie urbaine, de l’environnement rural, ou de celle des liens entre l’homme et la nature, soumis à de nouvelles lois. Il n’y a évidemment pas de héros (positif ou négatif) dans le cinéma de Yanagimachi, qui traduit très concrètement et très fortement les malaises d’un pays dont la rapidité d’évolution matérielle étonne, et où les valeurs ancestrales disparaissent pour faire place à celles du profit immédiat. D’où sa révolte sourde, traduisant celle des jeunes qui n’y participent pas.
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Tarif de la séance
PRIX LIBRE entre 5 et 10 euros
Adhésion annuelle obligatoire de 5 euros (année civile).
La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.