Édito
«… millions de milliards de galaxies qui tombent depuis des centaines de millions d’années… sans jamais de commencement, jamais de fin, du début à l’infini… sans limites, à jamais, à jamais… » « Attention, attention, alors là, je chante avec Mireille Mathieu, je chante avec Mireille Mathieu… allez, je mets la musique… musique, musique ! » « Tout est coufit, tout est complètement mort… on va vers la cuite complète, y’a plus rien, y’a plus de bêtes, y’a plus d’eau, plus de mulots… c’est pas possible, c’est pas possible, ça continue pareil… quel monde de fou, quel monde de fou… ça commence à bien faire, ça commence à bien faire… Là je vois que ce sera ça… que ça sera ce que je dis ou que je vais crever… Il faut l’intervention de l’au-delà, l’intervention de l’au-delà, si y’a pas autre chose, y’a pas autre chose. Il faut mettre tout ça éternel, tout ça éternel, ou alors les peu élus, les peu élus… les peu élus comme je dis, ce sera encore le mieux… sinon ça disparaîtra et puis c’est tout, et puis c’est tout.. allez, à bientôt, à bientôt, à la prochaine, à la prochaine… » « Bon, allez, alors là, je fais un autre rouleau, je commente ce que j’ai à dire, je fais un témoignage, je fais un témoignage… je l’appelle, je l’appelle… allez, allez, j’appelle… « Ah il a coupé, sale bête, pour que je rappelle pas… ah je m’en suis bien douté va… allez, à bientôt, à bientôt.»
Jean-Marie MASSOU, extraits de « rouleaux » enregistrements sur magnéto k7
Solo improvisé
de Pierre Borel | 30 min
L’homme orchestre aux multiples pieds mains bouches.
« La règle de base est donc : Si je n’utilise que la bouche au saxophone, les quatre membres sont disponibles pour la batterie. Si j’utilise bouche et main gauche, il reste main droite et les deux pieds pour la batterie. Si j’utilise bouche, main gauche et main droite au saxophone, la batterie se limitera aux pieds. Des complications peuvent intervenir. »
Pierre Borel est saxophoniste, improvisateur, compositeur, pratique la batterie, fabrique des films expérimentaux en pellicule et vit à Marseille. Il réside pendant 11 ans à Berlin, collaborant avec de nombreuses figures de la musique improvisée et du free jazz. Il joue dans de multiples groupes, dont Die Hochstapler, Herr Borelgrip, Lumpeks, Umlaut Bigband, Banquet of Consequences, Schnell. En solo, il joue simultanément du saxophone, de la batterie et divers objets, revisitant les codes de l’homme-orchestre.
La complainte contre la maternité
“rouleau” sonore enregistré sur magnéto k7 par Jean-Marie Massou | 4 min
Un message à l’humanité sur un monde qui va à sa perte. Enregistré en pleine forêt bouriane, dans le Lot, par Jean-Marie Massou lui-même, parmi des centaines d’heures d’enregistrements opérées sur plusieurs magnétos. Messager auto-proclamé, Massou a vécu en ermite artiste brut, taillé comme un hercule, capable de redessiner le territoire en creusant des kilomètres de tranchées et de gouffres pendant près de quatre décennies en savoir plus. La Complainte contre la maternité est une complainte parmi bien d’autres chantées à genoux au-dessus de la citerne enfouie derrière la maison. Massou, traversé par un imaginaire foisonnant, message à l’humanité d’un monde qui va à sa perte. Cette psalmodie nous vient de loin, depuis le chaos organisé de son antre.
Francis Bacon, peintre anglais
portrait filmé de l’univers pulsionnel de l’artiste par Pierre Koralnik | 1964 | 22 min
Débordements, chaos et logique d’une sensation. Articles, photographies, esquisses, tubes de peinture et toiles jonchent le studio londonien de Francis Bacon. Un lieu de travail où passent aussi amis, amants et figures excentriques qui reviendront hanter ses toiles à l’issue d’une mystérieuse alchimie de la création. Bacon s’explique en français sur son rapport charnel à ses toiles, sur les peintres qui l’inspirent, sur son rapport à l’alcool, à la violence et à la mort. Il évoque son homosexualité, sa vie personnelle et le débordement excessif de celle-ci dans sa peinture. Un portrait exceptionnel saisi sur le vif, au fil d’une conversation à bâtons rompus menée dans le désordre et l’alcool. Nous sommes en juillet 1964. La trame musicale ponctue d’une tension étrange la nervosité de la caméra, qui semble se frapper aux entités qu’elle rencontre, livrant un tourbillon ivre et enfumé d’où émergent les confidences inquiètes et maniaques de l’artiste. Rare témoignage d’une présence fiévreuse. Tel un papillon de nuit pris au piège, Bacon volette d’un endroit à l’autre, tournoie et hésite, puis fait face à la caméra pour délivrer quelques aphorismes sur son travail. Ossatures, crânes déformés, mâchoires et dents. L’univers pulsionnel, acéré et violent de l’artiste rebondit et résonne sur les mots employés par Bacon : dégout, sort, présage, détournement, magie, beauté. On croirait voir le dévoilement de l’indiscipline des émotions et des sensations. Une archive éblouissante de tourments et de vérité, qui transmet en quelques vingt minutes un peu de la nécessaire fureur de vivre de l’un des plus grands peintres, toutes époques confondues.
Au-delà du réél
Films courts et extraits de longs | 30 min
Au centre d’un paysage brumeux, on décrit une limite imaginaire. C’est ainsi que nous tient sur le seuil de son monde fait d’innombrables ondes, le pionnier de l’expression radiophonique, des émetteurs clandestins, de la musique concrète, figure des plus anticonformistes du siècle dernier. / Exploration tout en trucages d’un concept vague, fruit d’une imagination fantasque, fertile et vagabonde. Démonstration de l’existence hypothétique d’une quatrième dimension, celle du temps. / Telles des images mentales apparues lors d’états-limites de la conscience ou d’expériences psychotropes, des formes aux teintes saturées se font et se défont en de perpétuels mouvements hypnotiques. Fragments de l’Antartique émergés d’un monde infra-humain invisible à l’œil nu, instaurant une relation trouble entre l’imaginaire du sujet observant et le monde ainsi révélé.
Plongée au creux d’un monde métamorphique et subaquatique. Des amours pieuvres dansent à la surface d’une musique électroacoustique avec une liberté de ton unique et un sérieux sacrément créatif. / Un paradis tropical infesté de zombies cannibales sur fond d’intrigue usée jusqu’à la trame. L’oeil fuyant ou amusé, témoin d’une imagerie cauchemardesque hissée aux sommets du macabre au gore cradingue.
Le film inachevé de Jean-Marie Massou
Trace ultime de l’artiste brut filmée par Jérôme Walter Guégen | 2018 | 4 min
« …J’ai tenté de sauver le monde, j’ai tenté… ». À l’origine il était question de réaliser une sorte de clip qui accompagnerait les sorties discographiques produites par Labelle Brute. Mais très vite, Jean-Marie Massou orienta le réalisateur Jérôme Walter Guéguen vers une fiction totale. Durant la discussion autour de ce film, Massou fit évoluer le scénario pour que coexistent des éléments de sa propre histoire et son envie d’incarner des rôles éloignés de son quotidien, comme celui du détective. Il expliquait, en se référant à ses films de chevet, l’ambiance ou la dynamique désirée. Parti de l’idée du détective enquêtant sur l’apocalypse déjà bien entamée qui tomberait sur la petite population d’élus conduite par lui-même, il avait ensuite proposé un scénario plus dramatique où, en jouant sur des flashbacks, se mêleraient des scènes de son enfance jouées par un garçon et son désespoir actuel de voir l’humanité sourde à ses appels et messages. S’inspirant d’une scène de La Belle et la Bête, il demanda à ce qu’on tourne la scène finale, celle où il dirait ses derniers mots avant de mourir. Il s’était allongé sur son lit, avait pris son personnage-amie, avait attendu le « ça tourne ! » et s’était lancé, sans préparation ni doute aucun, dans une longue improvisation d’une intensité considérable. Il nous a quitté le 28 mai 2020 avant que puisse se continuer cette aventure. Figure de l’art brut, défini dans son sens le plus strict, Jean-Marie Massou aura vécu 45 ans dans la forêt de Marminiac dans le Lot. Dans les années 1970, une mère refuse que son fils, jeune homme psychotique, analphabète et solitaire, soit interné en psychiatrie. Elle lui offre une forêt de châtaigniers dans laquelle il réalisera, seul, une œuvre-monde sidérale et sidérante : des centaines de cassettes enregistrées, des milliers de pierres gravées, des tonnes de gravats déplacés pour creuser des kilomètres de galeries souterraines, des puits, un gouffre et ériger une pyramide, comme traces de sa mission universelle. Massou, retrouvé inanimé dans sa masure au milieu des bois le 28 mai 2020, à l’âge de 70 ans, avait fait l’objet du documentaire Le Plein Pays réalisé avec Antoine Boutet en 2009.
MAGMA : SOIRÉES EN SONS ET EN IMAGES
au VIDEODROME 2 depuis juin 2021 par Barton Barton
Ces séances hybrides proposent des improvisations sonores et/ou musicales suivies de projections de films. MAGMA invite à une expérience sensitive faites de rugissements, de chants d’amour, de rage de vivre, de rêveries. Tel un surgissement de force contenue, puissance tapie dans nos profondeurs. MAGMA veut convoquer la violence du monde et son envers. Rencontres sensorielles hissées sur une ligne de crête, MAGMA cherche à créer un champ de tensions entre performances musicales et projections de films au geste franc. Comme un rêve éveillé, un songe, on pénètre la salle obscure, les yeux fermés, l’oreille dressée. Des images mentales affluent, sollicitées par les signaux électriques et/ou acoustiques. Puis c’est le silence, le noir se fait, l’écran s’anime. Le paysage sonore par lequel on est d’abord traversé vient irriguer notre perception de ce qui rayonne depuis la cabine de projection.
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Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Séance au prix libre
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui semble bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
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