machini-quoi?
Portmanteau de machine et de cinéma, le Machinima est le terme utilisé pour décrire les films réalisés en utilisant des moteurs d’infographie en temps réel.
En français : les films fait à partir, uniquement ou à travers, des jeux vidéos.
Mais peut-être êtes-vous déjà familiers avec le mot, car en effet c’est une pratique qui existe depuis que l’enregistrement direct en jeu est possible, presque 30 ans donc et qu’elle évolue entre internet, le cinéma et l’art contemporain.
On s’est quand même dit qu’on devait vous en toucher deux mots, au cas où.
La première œuvre étant généralement attribuée à Diary of a Camper de United Ranger Films – un fan-film d’une minute et demie, réalisé dans le cadre du jeu de tir à la première personne Quake (1996) – certains prétendent que les exemples sont antérieurs. Le Miracle de Miltos Manetas, par exemple – tourné avec le simulateur de vol F/A-18 Hornet (1993) qui fut réalisé la même année. Quoiqu’il en soit, ces deux films utilisent leurs sources de manière différente, et à des fins différentes : alors que l’un d’entre eux fut exposé sur le mur d’une grande galerie, l’autre est toujours en ligne et disponible gratuitement sous forme de fichier téléchargeable.
En effet, deux histoires de la pratique de la machinima se déroulent simultanément, avec peu de croisements. La première comprend le genre de films réalisés par les joueurs eux-mêmes, une tradition dans laquelle s’inscrit Diary of a Camper. Née des expériences des premières options d’enregistrement live offertes par des jeux tels que Stunt Island (1992), Doom (1993) et Quake (1996) qui permettaient aux joueurs de capturer et d’exporter des cascades ou des tueries individuelles, ou d’enregistrer des matchs entiers ou des courses de vitesse, ce type de machinima est réalisé par les joueurs, pour les joueurs.
Parallèlement, les artistes ont adopté la même méthode, réalisant des films dans des environnements de jeux vidéo mais qui, en règle générale, adoptent une position plus critique – proposant des réflexions sur le médium et ses mécanismes, sur le fonctionnement des jeux et sur ce qu’ils peuvent montrer ou non. C’est sur eux que ce cycle va en partie se focaliser.
La série Parallel d’Harun Farocki qui ouvrira la semaine, se propose d’investiguer sur l’évolution des représentations virtuelles puis des rouages narratifs du jeu.
« Qu’est-ce qu’une image ? » est la question motrice de toute l’œuvre de Farocki. Cherchant à rendre visible les processus de production des images et à interroger leur rapport au réel, il met en lien, à travers Parallel I-IV, cette question liminale avec la transformation esthétique des techniques de l’information. Ce ne sont pas les enjeux sociaux qui intéressent ici l’artiste mais la façon dont la visualité se construit dans les jeux vidéo. Didactique, analytique, la série Parallel, normalement présentée sous forme d’installation, se voudra ici, dans notre modeste salle de 49 places, presque comme un documentaire sur le jeu vidéo en guise d’introduction.
Le lendemain nous sortirons une autre pièce vidéographique contemporaine de son installation habituelle : She Puppet de Peggy Ahwesh.
Au même titre que Parallel I-IV, le film de Peggy Ahwesh se présente comme un enchaînement de situation de jeu avec ajout de voix-off. Mais plutôt que de décrire, de commenter l’expérience et de faire une analyse du jeu, la voix de Peggy va venir raconter quelque chose, fictionnaliser le jeu lui-même et le transformer en une réflexion sur l’identité et sur la mortalité. Au-delà de l’implicite critique féministe sur le problème lié à l’identité féminine, elle étend aussi le dilemme de la prise au piège de Lara Croft à celui de l’individu pris au piège dans un monde de plus en plus artificiel, en se servant du jeu mais en bradant ses règles. Peggy va aussi mettre en avant l’esthétique cinématographique de Tomb Raider en déviant la mission préprogrammée de son héroïne. Lors d’une interview l’artiste reconnaîtra qu’une relation intime s’est installée entre ce personnage de fiction et elle-même en tant que joueuse, logique après des mois et des mois d’enregistrement.
La même soirée vous rencontrerez les personnages de Martin pleure et de Notre amour est assez puissant de Jonathan Vinel, eux aussi bloqués dans leur monde virtuel. Une empathie de la part du réalisateur se fera aussi sentir dans ces deux films. Mais pas de détournement de mission ou du jeu par ajout de voix-off avec Jonathan Vinel. Les deux œuvres qui vous seront présentées furent construites à partir du mode « réalisation » des jeux GTA V et Counter Strike. En effet depuis quelques années on a vu apparaitre sur certains jeux vidéos des modes de création libre. Météo, angle de vue, musique, texte, aujourd’hui le mode réalisation de GTA V permet de prendre les commandes de personnages rencontrés dans le jeu, voire même d’animaux, et de régler l’environnement pour tourner de « vrais » films. Chacun peut donc chez lui réaliser un film à partir du médium jeu en reprenant son iconographie.
Bien avant que le mode réalisation apparaisse sur GTA, Phil Solomon avait déjà pris l’initiative de cadrer certains plans sur GTA San Andreas. En hommage à son ami Mark Lapore, il réalise la série In Memoriam ou il transforme Liberty City, métropole basée sur la ville de New York dans laquelle se déroule le jeu, en un espace de réflexion et d’immobilité. Dépourvu de joueurs.euses, plein de mélancolie, de nostalgie, de perte, de chagrin, on y retrouve parfois CJ, personnage principal de San Andreas, errant dans la ville, triste, incarnant surement le deuil de l’artiste. Dans une dimension plus onirique que les films précédents on retrouvera tout de même une intersubjectivité entre le joueur-réalisateur et le personnage du jeu. On vient faire penser le personnage ou lui faire incarner quelque chose et c’est en soi la première fictionnalité des films machinima. Quel joueur.se ne fantasme pas d’être son héro.ïne?
Tous ces artistes vont en tout cas explorer les liens entre réalité et simulation, réalité et virtualité, cependant certains sont aussi désireux de montrer les côtés sombres de la culture du jeu. La série RECKONING de Kent Lambert (2006-présent) examine les points où les communautés de jeu, la culture populaire et la politique contemporaine se rejoignent, avec des résultats aussi étranges que peu recommandables. Les films RECKONING 3 (2014) et RECKONING 4 (2016) ont tous deux des bandes sonores qui mettent en scène des voix désincarnées et déprimées, issues de jeux multijoueurs en ligne, tandis que les images (un collage de divers environnements de jeux vidéo et de clips manipulés de films à succès) semblent également aliénées. Cinéma et jeu y sont entremêlés, on retrouve des acteurs à la fois en virtuel et en réel. Dans la dystopie mondaine de Lambert, il n’y a pas de distinction ontologique entre réalité et simulation : les deux forment un amalgame diabolique dans lequel la violence, l’agression et le harcèlement – à la fois symbolique et « physique » – sont normatifs.
Image de couverture du cycle : Louis Garrido
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