Mai-68 est à la fois un moment crucial et un mirage. Le mirage de toutes les versions synthétiques de ce qui s’est passé s’en chargent. Le philosophe Dembe dit notre seul identité c’est le trajet. Partant de cette idée nous avons voulu réunir des trajets que nous suivons mot à mot dans des entretiens qui durent une heure.
Pour chacune des 22 personnes interrogées, Mai-68 a joué un rôle de bascule, d’accélérateur. Donner à entendre cette addition, c’est proposer une immersion pour ressaisir en profondeur ce qui s’est réellement débattu.
C’est permettre à chacun de se forger sa propre opinion.
Tout semble se jouer autour d’une conception ouvriériste. Dès lors il y a ceux qui vont pousser cette logique au paroxysme. Et ceux qui vont imaginer d’autres fronts de questionnements.
Il y a ceux qui participent au bref été du mouvement libertaire du 22-Mars
Il y a ceux qui se lancent dans la fabrication de journaux
Il y a ceux qui accompagnent les révolutions des pays tiers
Il y a ceux qui s’établissent en usine
Il y a ceux qui profitent du bouillonnement social pour franchir les barrières
Il y a ceux qui en veulent en finir avec le bagne asilaire
Il y a ceux qui veulent changer l’université
Il y ceux qui essayent de mettre des mots sur ce qui bouge
Il y a ceux de la Sorbonne
Qui sont-ils ?
Jean-Claude Polack, psychanalyste, psychiatre
De Stéphane Gatti, France, 2017, 1h00
Durant ses années d’études, il est membre de l’UNEF et de l’UEC. Il préside notamment l’Association générale des étudiants en Médecine de Paris. Lors du congrès de 1963 (Dijon) il est candidat à la présidence de l’UNEF avec le soutien de la Fédération des groupes d’études en Lettres, mais est battu par Michel Mousel.
Il travaille ensuite une douzaine d’années aux côtés de Felix Guattari à la clinique de La Borde
En rencontrant Félix Guattari, Jean-Claude Polack, psychiatre, s’engage dans l’expérience menée depuis 53 à la clinique de La Borde. Là se met en œuvre, avec Jean Oury, le projet de la psychothérapie institutionnelle : pour pouvoir soigner les fous, il faut aussi soigner l’institution. Indistinction des tâches et absence de murs, au propre comme au figuré, permettent une remise en cause permanente de l’hôpital et de ses routines délétères. Nombre de militants politiques, avant comme après 68, profitent de cette expérience; car Guattari s’intéresse aussi bien aux organisations révolutionnaires, institutions souffrant elles-mêmes de leurs maladies propres tendances groupusculaires, dogmatisme, indifférence aux individus, reproduction en leur sein des aliénations sociales et mentales qu’elles combattent. Il s’attache également à replacer les subjectivités dans leur histoire et dans l’histoire ; projet pratique qui culmine théoriquement dans le concept de schizo-analyse, développé avec le philosophe Gilles Deleuze. Réfléchir sur les voies et les processus de la subjectivité, c’est également prendre acte de la nouveauté qui surgit avec 68, événement qui déborde les pensées déterministes. Jean-Claude Pollack reste à La Borde de 64 à 76 ; il quitte la clinique dans le sillage de Félix Guattari, départ qui met fin à un cycle dans la vie de ce collectif.
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