Édito
Le FIDMarseille propose, dans le cadre de l’exposition « Learning From Los Angeles« au Centre Photographique Marseille, une série de projections autour de la ville de la côte Ouest des Etats-Unis.
Crashing Waves de Lucy Kerr
2021| USA | 19 min | VOSTFR
Sélection FID 2021, Compétition FLASH
« Il y a toujours ce contraste paradoxal entre la surface d’une image, qui semble sous contrôle, et la fabrique de sa production, qui contient inévitablement, à quelque degré, de la violence. »
Cette citation d’Edward Said ouvre ce film simple et dense, manifeste de la complexité des images, décliné en trois temps :
1. Écran noir sur lequel une voix de femme raconte très posément le récit de la préparation puis de l’effectuation d’une cascade sur un tournage : une voiture et ses deux passagers chutent d’une falaise dans l’océan.
2. Tandis que la voix poursuit sa description du tournage et des risques mortels réels qui y sont pris, des vagues qui s’écrasent contre des rochers apparaissent en plan fixe. On comprend aussi que le noir initial, loin d’une coquetterie avant-gardiste, évoquait plutôt « la panique d’être coincée sous l’eau, dans le noir. » Du même coup, au fur et à mesure que la voix progresse, les vagues changent de signification. Bien autre qu’un simple décor naturel, elles apparaissent comme des broyeuses, à l’image de l’économie qui les filme. Puis elles deviennent l’allégorie mouvante de la colère retenue de la réalisatrice : « poser des questions, c’est ça la vraie force… », dit la voix. Puis, métamorphose encore, les vagues figurent l’amour neuf entre ce couple de cascadeurs. Puis, le soulagement après l’action réussie. Puis la voix se tait et laisse les vagues seules, retournées simples flots, libres de commentaire après cette tempête de mots.
3. L’intérieur d’un décor : l’eau de l’océan est devenue suintement de douches, une jeune femme suspendue au plafond s’anime de gestes de possédée, tournage d’un épisode télé de l’Exorciste.
C’est bien sûr l’enchaînement de ces trois temps, la rigueur impeccable, impressionnante, de cette mécanique qui saisit. Très rare opération : cinéma à plein régime, passion du cinéma (qu’incarne cette possédée) exactement superposée et simultanée à l’analyse de ses conditions de possibilité. On attend avec impatience les futurs épisodes.
Jean-Pierre Rehm
Attack The Sun de Gwendal Sartre, Fabien Zocco
2019 | USA/France | 1h14 | VOSTFR
Une sélection FID 2019, Compétition française
La dérive de Steven Moran, youtuber californien sombrant dans la folie. Les dialogues de ce film ont été générés par une intelligence artificielle au cours même du tournage.
Peut-on s’abandonner au soleil sans se perdre ? Le désirer sans s’y brûler ? On connait la réponse pour Icare. Pour la figure centrale autour de laquelle le film est composé, Steven Moran, vingt cinq ans, né, éduqué et vivant à Los Angeles, la question se pose sous un autre jour. Son soleil est celui, obsédant, de cette ville-monde, son mode de vie hédoniste et héliophile, et l’éblouissement qu’ils produisent. Son univers, celui des fantasmes post- adolescents – le sexe, la voiture, le skate, la plage… – de cette géographie scintillante qui irrigue, comme chacun sait, tant de films. Comment brasser à nouveau cette matière, lui faire rendre gorge ? Gwendal Sartre (Song Song, FID 2012) et Fabien Zocco s’outilleront ici, tour supplémentaire, de l’imaginaire technologique de cette région, en confiant à la moulinette d’une intelligence artificielle, créée pour l’occasion par Fabien Zocco, des informations collectées sur internet et sur les réseaux sociaux. Elle régurgitera l’écriture de la voix off du personnage, contaminera les dialogues et les situations imaginés par Gwendal Sartre comme la structure du film. Il en résulte un film ventriloque, divaguant, contradictoire, chaviré par la glossolalie du personnage et des séquences à la succession imprévisible. S’y dessinent les mirages d’une ville de faux-semblants, prise dans son jeu de miroir, lointaine et factice, aux étincelles inaccessibles. Et si cette narration délirante et désarticulée est à l’image de ce que vit le personnage – de ce qu’il construit, de son autoérotisme insatisfait, lui qui ne cesse de se filmer, comme à vouloir rentrer dans le cadre –, elle s’accorde aussi au film, à l’atmosphère hantée par cette la machine à illusion qu’est aussi Los Angeles, ombre d’Hollywood oblige, comme reflet aveuglant d’une ville irradiante.
Nicolas Feodoroff
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
Les séances Learning From Los Angeles