Jeudi 9 janvier 2025 · 20h00


Édito

 

 

Cette proposition s’inscrit dans le sillage du premier volet du cycle LE VENTRE DE LEUR TERRE porté à 4 mains et donné au VIDEODROME 2 en avril 2024. Chemin faisant, au fil des échanges, un corpus de films hétérogènes s’étoffe et donne lieu à un agencement de façon à permettre un dialogue ouvert entre des formes cinématographiques éclectiques, avec cette fois, comme motif central, la chasse. Marcher dans les pas des chasseurs, les suivre à la trace, pourrait bien nous conduire jusqu’aux bêtes, au monde sauvage qui, toujours, se dérobe à nos yeux, et pour lequel on peut nourrir une étrange nostalgie, celle d’un monde à jamais perdu. Parler de la chasse qui leur est faite, c’est parler aussi des animaux et même peut-être pour eux, « pour » c’est à dire « à la place de »** ces « maîtres silencieux ».***

 

 

* Maurice Merleau-Ponty, La Nature. Notes, Cours de Collège de France, 1956-60
** Gille Deleuze, L’Abécédaire, A pour animal . Entretien réalisé par Claire Parnet, 1988-89
*** Jean-Christophe Bailly . Le Parti pris des animaux . 2013

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Isole di fuoco

de Vittorio De Seta | 1955 | Italie | 9 min

Entre 1954 et 1959, Vittorio de Seta et son épouse Vera Gherarducci réalisent, avec leur caméra 16mm, un ensemble de dix documentaires sur la vie des paysans, pêcheurs, bergers et mineurs en Sicile, en Sardaigne et dans les Éoliennes, qui feront date dans l’histoire du genre. En 2008, ils sont regroupés sous le titre Le Monde perdu. Isole di Fuoco est l’un de ces films constituant une incroyable fresque humaine relatant le quotidien, les festivités et l’ouvrage humains.

Au nord de la Sicile, les habitants des Îles Éoliennes vivent sous la menace du Stromboli, l’un des rares volcans du bassin méditerranéen encore en activité. Nombre d’îliens émigrent vers le continent et ceux restés sur place vivent au rythme du monstre assoupi. En 1949, Stromboli de Roberto Rossellini témoignait de l’abandon de l’île par sa population. Cinq ans plus tard, Isole di fuoco nous permet de constater que seuls les plus pauvres sont restés.

Durant le tournage du film Le Temps de l’espadon, Vittorio de Seta assiste de loin à l’éruption du Stromboli. À l’instar des habitants de l’île qui interrompent toutes activités agraires et de pêche, il part saisir l’évènement. En 1954, le cinéma documentaire synchrone n’est pas encore inventé. C’est donc muni d’un lourd prototype qu’il acquiert les éléments voués à sonoriser ses images. Nous remarquerons avec quelle épure le cinéaste nous livre ses sons. Le chaos des souffles éruptifs succède au cycle régulier du moteur de bateau, lui-même décliné en ressac de la mer. Les regards médusés des habitants et le tocsin battant nous rappellent qu’ici la vie demeure sous conditions, soumise au hasard des éruptions.

Il est de coutume de situer Vittorio de Seta “entre Flaherty et Rouch, comme héritier du documentarisme anglais et précurseur du cinéma anthropologique moderne”. Il établit une réelle proximité entre les spectateurs et la vie des communautés qu’il filme. C’est la réalité qui lui importe et il s’émancipe alors des commentaires descriptifs et de la musique interprétative qui font foi à cette époque pour laisser place au propos seul des images et des sons récoltés. Le soin extrême de ses cadrages témoigne de l’attention absolue qu’il porte à ce qui se déroule devant la caméra, en-dehors d’elle, du cinéma. C’est à la vie quotidienne que De Seta s’attache, aux corps, aux gestes liés au travail, toujours. Le travail qui prend une place considérable dans ces vies rythmées par le labeur. Il n’hésite pas à user d’un certain lyrisme pour charger davantage encore ses films poétiques qui font vivre des sociétés ancestrales aujourd’hui disparues.


L’Homme d’Aran (Man of Aran)

de Robert Flaherty | 1934 | Grande-Bretagne | 1h20

Comme pour son précédant film, Anouk, l’esquimau, Flaherty nous fait le récit du quotidien d’une famille de pécheurs ancrée sur l’une des  îles de l’archipel d’Aran, au large de l’Irlande. Présenté par Flaherty lui-même comme un document témoignant de la réalité vécue de ces  îliens dans les années trente, il pourra être dénoncé comme abus de confiance ; mais comme évocation maritime, comme œuvre plastique, comme partition visuelle, comme rêverie poétique sur la condition humaine, L’Homme d’Aran est à considérer sans conteste comme l’un des plus grands films qui aient été réalisés.

En bon dramaturge, il choisit des acteurs photogéniques et des lieux spectaculaires, soigne la lumière et les cadrages pour créer des images d’une beauté et d’un lyrisme renversants. Pour donner vie à ce véritable hymne à la bravoure, Flaherty ancre ses personnages quelques décennies en arrière, au XIXème siècle, les confrontant à un territoire aride et rocailleux, isolé du reste du monde, encerclé par les mers roques et agitées.  Spectateurs avertis ou non, la puissance du film nous plonge dans une fresque épique où se dessine avec force le combat de l’homme face à la nature.
Puisqu’il faut bien (sur)vivre dans cet univers hostile sans cesse battu par les vents, on s’évertue à fabriquer le peu de terre cultivable. On pêche depuis le haut des falaises, on s’use à casser inlassablement la pierre, on arrache les algues échouées entre les sombre rochers. Et vient le temps de la grande pêche au requin-baleine, pratique traditionnelle dont on a abandonné l’usage depuis de nombreuses années. Alors, pour nourrir plus intensément encore la dramaturgie et renforcer le ton élégiaque du film, son propos aussi, on rejoue des gestes oubliés qui donneront lieu à l’une des séquences des plus mémorables qui soit dans l’histoire du cinéma.


Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 8€ et valable sur une année civile.


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