La brume déborde, les arbres se mollissent. A la surface le paysage se dégonfle tandis que du fond du bois, la bête me regarde.
C’est là mon premier souvenir d’un monde survenant au côté du mien, une nuit infinie où surgissent et se cachent les bêtes. Cette autre manière d’être au monde que chaque animal déploie, ce que Jakob von Uexküll conceptualise comme le Umwelt : l’environnement sensoriel propre à une espèce ou un individu, de sorte que chaque espèce animale a un monde conditionné par sa perception et ses actions spécifiques. Je l’aperçus cette nuit sans pouvoir le nommer et il ravivait en moi à la manière d’une promesse, ce lien sacré avec les animaux. Un indéfectible lien qui dans l’obscurité des grottes à la lueur du feu nous fit un jour les peindre.
Voir les animaux c’est aussi voir ce que les hommes ont vu il y a des millions d’années et voir ce que l’enfant voit.
Maurice Merleau-Ponty éveille notre curiosité sur ces réalités effectives et pourtant chargées d’onirisme qui cultivent notre imaginaire « Un champ d’espace-temps a été ouvert : il y a là une bête ». (La nature, notes des cours du collège de France)
Une question se pose alors: comment atteindre ces réalités ? La réponse qui me vient spontanément: emprunter le sentier des bêtes. Éprouver cette voie qui longe, trace et forme cet espace-temps, s’enfoncer dans la matière même d’une cartographie de postures, de chants, de danses et de couleurs.
Il est permis d’imaginer à travers ces sentiers un plan vivant qui nous mènerait à « l’esquisse d’une poétique de l’habitation animale de la Terre ». ( Xénophon dans la Cynégétique.)
Un enchevêtrement de passages que pratiquent les bêtes et qui serait la matière même d’un espace-temps animal.
Le sentier des bêtes fraye ces passages emprunts d’effroi, de postures sidérées, de silences ahuris, de sons habités comme un trouble merveilleux où il faut se faire creux pour en voir le reflet.
Filmer les bêtes c’est entrer dans une proximité du silence et dans la matière d’un monde au temps étrange d’où s’échappent des cris ponctués d’apparitions et de disparitions furtives.
Les treize films qui sillonnent cette programmation répondent de cette proximité et permettent que quelque chose advienne entre nous et les bêtes, de « descendre dans la voie que chaque animal ouvre et qu’il nous laisse en partage comme un sillage éteint dans l’immensité de la nature ». – Jean-Christophe Bailly dans Le parti pris des animaux.-
L’ouvreur de ce cycle La fête sauvage dont l’auteur Frédéric Rossif fut mon éclaireur, célèbre le sauvage dans des battements de temps distendus où les regards et danses des bêtes nous plongent dans une ivresse teintée de moments d’accalmie. Jean Painlevé prend la suite avec cinq courts métrages : La Pieuvre, L’Hippocampe, Les Amours de la Pieuvre, Oursins, Acera ou le bal des sorcières, qui au travers de la science tissent un discours de poésie et d’humour. Ensuite, Christine Baudillon installe une torpeur ponctuée de peaux, de terre et de roche dans son film Animal Pensivité. Le cycle se poursuit avec Le Territoire des autres : un lieu onirique fait de magma organique et animal, rêvé par François Bel, Gérard Vienne, Michel Fano et Jacqueline Lecompte. Dans la même lignée, François Bel et Gérard Vienne suivent des courses poursuites effarées et striées de cris dans La Griffe et la Dent. Enfin, nous clôturerons cette semaine avec quatre courts métrages : Les Habitants d‘Artavazd Pelechian, Isy Boukir de Nancy Graves, Tartaranghe d’acqua de Rose Lowder et Tant qu’il y aura des bêtes de Brassaï, quatre films qui déploient des formes extraordinaires de poursuites, d’attentes, de surgissements et de contractions rythmiques, dans un espace qui ne cesse de se découper, et des images qui – à force d’emmêlement de matières – deviennent une fascinante source de contemplation.
Le programme du cycle
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