Programme de courts d’une durée de 50min

A vingt ans Emmanuel Radnitsky a tracé son chemin : capter, fixer, transformer les rayons lumineux en taches dansantes, en moire mouvante, en couleurs détonantes, faire étinceler les objets. Se situant radicalement du côté de l’expérimentation, il réinvente tous les champs artistiques qu’il aborde. Lorsque Man Ray achète une caméra pour faire bouger ses images fixes, il est déjà connu comme peintre, sculpteur, créateur de ready made, photographe. Il s’est rallié au mouvement Dada aux côtés de ses amis Tristan Tzara, Robert Desnos, Paul Eluard, Louis Aragon, Philippe Soupault… L’objectif de Dada est alors clairement énoncé : bousculer le conformisme esthétique, le diktat du Beau. Pour perturber les rigidités du “bon goût”, la provocation est le moyen le plus efficace.
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Le Retour à la Raison

de Man Ray, 1923

 

En 1923 Tristan Tzara, ami dadaïste de Man Ray, vient le trouver une affiche à la main. Une importante manifestation Dada y est annoncée pour le lendemain, intitulée “Le Cœur à Barbe”. Man Ray y figure comme réalisateur d’un film. A ce moment là Man Ray ne songe pas encore à faire des films. Il a acheté une petite caméra 35mm pour mettre en mouvement quelques unes de ses expérimentations photographiques. Il n’a pas grand chose à montrer pour ce spectacle Dada. Devant l’insistance de Tzara, qui l’incite à reproduire sur bande-film ses rayographes photographiques, Man Ray passe la nuit dans sa chambre noire avec un rouleau de pellicule, du sel, du poivre, des épingles, des ressorts et des punaises. Le film saupoudré de ces ingrédients, il l’expose une ou deux secondes à la lumière blanche et le développe. Il vient d’inventer les cinérayogrammes et ignore tout du résultat projeté sur l’écran. Il le découvre avec les spectateurs : “ Le sel et le poivre s’étaient transformés en une tempête de neige dont les flocons volaient dans tous les sens, au lieu de tomber… les épingles blanches, énormes, s’entrecroisaient et tournoyaient comme dans une danse d’épileptique. Puis vint une punaise solitaire qui s’efforçait désespérément de quitter l’écran”. (in Autoportrait). Puis le film monté sommairement casse. La suite est restée célèbre dans les annales des dadaïstes : une bagarre épique éclate entre défenseurs et détracteurs de la manifestation. La  police évacue la salle et la bataille rangée continue sur le trottoir. Néanmoins les soirées suivantes sont annulées. Man Ray y gagne une nouvelle gloire et un nouveau titre : celui de cinéaste.

Mireille Laplace


Emak Bakia

de Man Ray, 1926

 

En 1926 Arthur Weehler, boursier retraité qui soutient le travail de Man Ray, l’incite à reprendre la caméra. Il est prêt à financer un nouveau film, quitte à y perdre de l’argent. Man Ray, après quelques réticences, finit par accepter l’offre, d’autant que la commande lui laisse toute liberté de création. Comme pour Le retour à la Raison, Man Ray décide que tout serait improvisé : ni scénario, ni comédien, pas même de trame logique liant les images entre elles.  Jouissance des yeux avant tout, le cinéma doit montrer des choses invraisemblables, visibles nulle part ailleurs que sur un écran : pour l’une des “séquences les plus risquées de l’histoire du cinéma”, Man Ray lance sa caméra en l’air pendant qu’elle tourne, pour une autre séquence, les faux cols de Jacques Rigaut sont pris dans une danse sans pesanteur, rebondissant en un rythme insensé, dans d’autres encore les formes d’objets étincelants sont réfléchies par des miroirs déformants. Lorsque Man Ray fait mine de filmer des images réalistes, de se plier à l’enregistrement brut de ce que l’œil perçoit, c’est pour mieux distordre la représentation : la mer et le ciel basculent, troublant les repères spatiaux des spectateurs ; lorsque Kiki ferme les yeux, ils sont encore ouverts ; lorsqu’elle déploie ses jambes hors de la voiture, elles y sont encore, répétant inlassablement la même gestuelle pleine d’élégance.

Mireille Laplace


Deux femmes

de Man Ray

Ce film a été retrouvé dans l’atelier parisien de la rue Férou par sa femme Juliet. La date de réalisation n’a pas pu être établie. Petit bijou du film pornographique, mode saphique, doublé d’une ironie provocatrice.


Paris Express

1928

Avant de me défaire de mon matériel professionnel de cinéma, je m’en servis encore une fois à l’occasion d’une visite touristique, si l’on peut dire, des bas-fonds. Le poète Jacques Prévert, qui fréquentait les surréalistes, en avait eu l’idée. Nous rodâmes, avec ma caméra, dans les quartiers louches de Paris, tournant au hasard des scènes quelque peu hasardeuses. Avec la permission du propriétaire, je filmai ce qui se passait dans un bal musette fréquenté par des personnages ambigus accompagnés de leurs femmes. Prévert, qui parlait l’argot avec un art consommé, me fut d’un grand secours, ainsi que les tournées que j’offris à boire. Nous arrivâmes même à convaincre quelques types et leurs compagnes qu’ils devaient jouer une petite scène dans un terrain vague. Ils refusèrent de prendre l’argent pour leur peine. Pour une autre séquence, j’installai ma caméra sur le bord de la fenêtre d’une pièce située au dernier étage d’un hôtel sordide qui dominait la place Pigalle, à Montmartre et que fréquentaient des filles dans l’exercice de leur métier. Je tournai chaque fois que l’une d’elle accostait un passant. Un homme s’arrêta pour parler à une fille ; elle ouvrit son sac et lui donna de l’argent. Nous avions prévu d’autres excursions de ce genre, mais nous avions épuisé nos fonds et notre pellicule. Notre commanditaire nous faisant défaut, notre film fut enterré…” (in Autoportrait) 


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Tarif de la séance

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
Gratuit pour les abonnés (cartes Rage et Scanner)

L’adhésion annuelle indispensable est de 3€ minimum

La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance


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