Considéré comme un sous genre, le mode mélodramatique innerve pourtant l’histoire du cinéma. Frank Borzage, un des grands maîtres du mélodrame des années 20’s, le défendait ainsi : « Les critiques ne semblent pas voir que la vie est en grande partie faite de mélodrames. Les situations les plus grotesques se présentent quotidiennement dans l’existence. La coïncidence prolifère dans la vie de chacun. ». R. W. Fassbinder quant à lui revendique l’héritage de Douglas Sirk. « Sirk a dit, le cinéma c’est du sang, ce sont des larmes, avec de la violence, de la haine, des films avec de la mort et des films avec de l’amour. Sirk a dit, on ne peut pas faire des films sur quelque chose, on peut seulement faire des films avec quelque chose, avec des gens, de la lumière, avec des fleurs, avec des miroirs, avec du sang ».

R. W. Fassbinder  argue une généalogie qui caractérise le mode mélodramatique dans l’histoire du cinéma. Il vient poser l’intelligence de l’affect et ainsi du mélodrame pour parler de la réalité de la société allemande et de sa mémoire. Le mélodrame est alors défini avant tout comme une relation spécifique au spectateur : « C’est tout à fait simple et beau. Et tout le monde pige ». Au cinéma, le spectateur peut pénétrer dans de nouveaux mondes de sentiments, engloutis dans la vie quotidienne. Aussi, il démontre au contraire que le film dégagé des problèmes d’une narration compliquée propose des couches de sens déposées dans la mise en scène, la musique, le montage, les couleurs… Ce faisant, tout en rapprochant le spectateur idéal de réalités sociologiques familières, « les films libèrent la tête. »

Que justice soit donc rendue  au mélodrame : le mélo, dédaigneusement dénommé, a une valeur certaine : ses histoires simples remuent nos entrailles, extirpent des douleurs, des effrois, des émotions dont on sait dire le nom. Des colères. Émotion : s’arracher hors de. Est-ce là le plaisir coupable du mélodrame ? A quel besoin profond répond-il pour que l’on soit, assumé ou non, tenté par les larmes ? Ressentir simplement ? Se couler dans une débauche de sentiments ? Ce serait le réduire à l’horizon douteux de la manipulation du spectateur qui entache l’émoi. Si l’émotion jette le trouble dans les films qui nous intéressent, ce n’est pas sans se chercher un sens, sans se chercher une interprétation. L’émotion n’est pas sans raison.

Clarté narrative qui impose des situations clichés, récurrence de motifs, constructions antagoniques lisibles portées par une esthétique de l’excès, surabondance et exagération, exacerbation, le mélodrame n’est pas victime de la démesure et de l’outrance qui le débordent. Ils lui confèrent toute sa puissance. L’excès qui soutient la catastrophe, l’excès d’un désir qui cherche à se formuler et à s’exprimer, le trop-plein d’un désir qui se confronte à une instance de loi, l’excès dans une polarisation entre le bien et le mal, l’excès des affrontements d’entités morales, l’excès de l’amour. Le mélodrame est un cinéma de contrastes. Mais, comme le souligne Charlotte Garson, cette construction par contraste vise à « contrer l’ambiguïté menaçante du réel pour faire sens. »

Pendant une semaine à fleur de peau, nous rendons hommage au mélodrame et à son intensité décriée à partir de quelques chefs d’œuvre furieusement arrachés à l’histoire du cinéma : l’amour sous le sceau de la mort dans Corps à cœur de Paul Vecchiali. La lutte de Tonia, plurielle, transgenre, pour sa dignité dans Mourir comme un homme de Joao Pedro Rodrigues répondra à la quête d’Elvira, héroINE malgré « elle » dans le film le plus intime et le plus personnel de R. W. Fassbinder, l’Année des 13 lunes : la solitude est irréductible et l’amour est un cadeau empoisonné qui tue plus qu’il ne sauve. Tous les autres s’appellent Ali adresse un clin d’œil froid et tranchant à Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk. Écrit sur du vent vient acter, sous le ciel radieux des convenances et à l’ombre d’une pyramide des valeurs a priori inébranlable (le bon, le bien, le médiocre, le mal) l’irrémédiable échec.

 

 


Le programme du cycle

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49 Cours Julien
13006 Marseille

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Les tarifs des séances cinéma

Adhésion annuelle indispensable
à partir de 3€

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
2€ pour les séances jeune public

La carte 10 séances + adhésion annuelle
45€

Ouverture de la billetterie 30 minutes avant le début de chaque séance

 

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