Édito

 

 

En écho à la semaine de cinéma de résistance au colonialisme proposé par Sabrina Chebbi et Galadio Parfait Kaboré qui s’est tenu au Videodrome 2 du 8 au 13 octobre 2024, le vidéoclub vous propose ce mois-ci une sélection autour de la guerre d’indépendance d’Algérie qui débutait le 1er novembre 1954. Huit films, du documentaire à la fiction, qui illustrent divers aspects de cette révolution en se situant directement au cœur de celle-ci ou en explorant les contextes antérieur et postérieur à l’indépendance obtenue en 1962.

Cette sélection n’est évidemment pas exhaustive et laisse par ailleurs transparaître le déséquilibre inhérent à la représentation de ce conflit au cinéma. En effet, la production audiovisuelle autour de la guerre est marquée par une asymétrie des perspectives où la France (cinéma de gauche inclut) commet longtemps l’écueil de n’exposer qu’un seul point de vue, le sien, occultant ainsi la voix des colonisé·es, à l’image de son entreprise coloniale. Pendant et après la révolution, de nombreux films français, notamment issus de la Nouvelle Vague, abordent le conflit de manière indirecte, souvent en toile de fond, parfois en parabole en raison de la censure, mais jamais dans une description littérale du contexte comme une guerre. Ces films sont surtout marqués par un désintérêt général pour la représentation de l’expérience algérienne. En Algérie, il faut attendre la fin de la lutte d’indépendance pour parler de cinéma national puisque les productions antérieures sont des films coloniaux utilisés pour justifier la présence française. Les premières productions non coloniales algériennes sont donc des films militants, fruit d’une collaboration entre le FLN, le français René Vautier et des cinéastes comme Djamel Chanderi, Mohammed Lakdhar-Hamina et Ahmed Rachedi qui créés une cellule de production cinématographique visant à documenter la révolution et à défendre la cause algérienne. Cette sélection reflète en partie ce déséquilibre par ses manques, mais tente tout de même d’aborder la question de manière polyphonique.

Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006), film éponyme du nom qu’attribua la hiérarchie militaire coloniale aux tirailleurs algériens, illustre ainsi le racisme auquel ces derniers firent face de la part de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale, préfigurant ainsi la révolution à venir. Quatre ans plus tard, le réalisateur élabore une suite avec le très hollywoodien Hors-la-loi (2010), traduction française du terme fellaghas qui désignent les combattants indépendantistes. Il raconte les destins individuels de trois frères algériens mêlés à la grande histoire, celle la lutte du FLN, en questionnant l’expérience du conflit par les algérien.nes l’ayant vécu depuis la France. En parallèle, dans un registre plus documentaire, La bataille d’Alger (1966) est une reconstitution de la vraie bataille de 1957, produit par un des chefs militaires du FLN, Yacef Saadi, qui confia la réalisation au cinéaste communiste italien Gillo Pontecorvo. Yacef Saadi fut aidé dans la rédaction de son synopsis par René Vautier qui signe également une production de notre sélection : Avoir 20 ans dans les Aurès (1972) donne la parole aux appelés français en décrivant le conditionnement subi par un groupe de bretons antimilitariste dans le but d’en faire des tueurs de fellaghas. La Question (Laurent Heynemann, 1977) se place également du point de vue français en s’attaquant sans détour au sujet de la torture dans le conflit à travers l’histoire du journaliste Henri Alleg, mais sans encore se pencher sur les expériences des algérien·nes. Sur un autre registre, le documentaire Ici on noie les Algériens (2011) de Yasmina Adi revient, à travers des archives inédites, sur la répression meurtrière des manifestant·es du 17 octobre 1961 quand la les forces de police parisienne noyèrent entre 80 et 200 algérien·nes dans la Seine. Enfin, LOranais (Lyes Salem, 2014) et Caché (Michael Haneke, 2005) explorent l’après-indépendance, d’abord à travers les yeux d’un héros de la révolution de retour chez lui à Oran, puis, en abordant des années plus tard, le mépris et l’omerta de la France concernant le devoir de mémoire, ainsi que dans son absence de prise de responsabilité face aux conséquences du colonialisme pour les générations suivantes.


La sélection DVD de novembre 2024



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