Édito
JOUISSANCE(S)…de cinéma
Les films présentés ont en commun d’avoir été conçu dans la jouissance du cinéma.
Le cinéma et rien d’autre.
C’est quoi, une jouissance de cinéma ?
C’est le moment où l’empire du récit recule.
Jetons les livres, sortons dans la rue
Shûji Terayama | 1971 | Japon | 2h17 | VOSTFR
Jetons les livres, sortons dans la rue (1971), premier long-métrage de Shûji Terayama, reste gravé dans la mémoire des cinéphiles européens. Dans un taudis habite un petit monde : la grand-mère solitaire qui vole à l’étalage, le père, ancien sergent de l’armée au chômage, la petite sœur silencieuse qui s’est attachée à un lapin, et le garçon de 19 ans recalé à l’université qui trouve sa liberté dans une équipe de football.
« Jetons les livres et sortons dans les rues commence par le long monologue d’un garçon qui semble sortir du néant – le néant d’avant le film. Il se présente à nous et présente sa famille : la grand-mère, le père, la petite sœur… Autour de ces personnages va s’articuler le récit, un récit multiforme, tour 6 tour confession, complainte, pamphlet, poème, « happening », « divertissement pop », plongée dans l’imaginaire. Le héros a dix-neuf ans. Il est ouvrier. Il habite avec les siens une baraque délabrée, mais passe ses journées à errer dans les rues. Il se sent misérable, fragile, solitaire, prisonnier d’un monde indifférent, d’une société implacable. Il aimerait ressembler à son ami, l’étudiant, qui l’emmène chez une fille pour qu’il devienne un « homme ». Il aimerait être fort, pouvoir se battre et crier sa révolte. Il aimerait surtout s’envoler, fuir à bord du vieil avion à pédales que lui apportent ses songes… » LE MONDE
« Ce qui se joue dans le caractère violemment incantatoire de l’autoportrait de ce jeune adolescent désenchanté, c’est un appel à recevoir le film avec son corps, à palpiter avec lui au gré de ses variations d’intensité. Le film s’offre à nous comme une suite – forme privilégiée du free jazz, qui implique un collage des différentes parties débarrassé du souci de dissimuler ses jointures –, une succession de fragments de vie autonomes, tous traités comme des cérémonies, captés dans leur durée et juxtaposés comme des blocs que Terayama refuse de relier entre eux par les liens de causalité habituels du récit. Le cinéaste sourcier rompt la continuité attendue par un traitement esthétique différent d’une scène à l’autre, notamment de chromatisme (couleur, noir et blanc, teinte unique), de prosodie (parlé, chanté ou hurlé), et de climat (réaliste ou onirique). Une fois les particules disjointes, il procède par accumulation de strates traumatiques et creuse le canal émotionnel d’un désarroi mélancolique qui envahit le personnage à mesure qu’il se rend compte qu’il n’y aura plus, une fois la rupture consommée, de foyer auquel retourner. He can’t go home again*. »
* Extraits de « Formes libres / Free cinéma » in Trafic, l’Almanach 2023 (POL)
Informations pratiques
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Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
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