Édito
« Hell is a teenage girl. » Jennifer, dans Jennifer’s Body.
De la chrysalide de l’espace de projection, émerge divers mutantes. Alors que la séance précédente me changeait en loup, la double séance de ce mois de novembre me parle de ce que les films prennent de moi. Car je ne saurai être dupe. L’échange, entre le cinéma et moi, va dans les deux sens. Les images se nourrissent aussi de mes entrailles.
Je disais précédemment qu’ accéder à la salle de cinéma c’est être contaminée. Qu’en est-il des films qui nous dévorent? Et au travers desquels, je vis un peu désormais. Certes, je transporte ce que je vois. Mais j’envisage un instant que les films aussi nous emportent individuellement et que ce n’est que depuis notre propre regard que nous pouvons constater, à la relecture, desquels de nos organes, ils sont les nouveaux détenteurs.
Les monstres nous dévorent. Elles se remplissent, nous gardent en elles et nous transportent tandis que bercée par leur souffle chaud, j’apprends à les comprendre en même temps que je me comprend moi-même. Ces monstres sont moi et je suis elles, même dans leur aspects les moins séduisants et les plus détestables. Être une adolescente et regarder une monstre, c’est contempler le reflet d’un fragment de moi-même.
Jennifer, c’est cette fille du lycée qu’il est facile de détester. Cette fille, que l’on hait, que l’on envie et que l’on convoite. Loin de la tendresse comme résistance politique de Knives and Skin et Ginger Snaps, Karyn Kusama et Diablo Cody nous proposent le récit d’une cruauté, celle dont émerge une émancipation, certes, mais que l’on ne partage pas. Dans le système patriarcal, pas de place pour deux femmes. Les adolescentes se déchirent, l’une lancée dans une vengeance solitaire désespérée et l’autre préférant la détruire plutôt que d’admettre son désir et cet amour interdit. Pourtant, le propos n’est pas seulement celui de la résignation. Il est aussi le constat amère, sous un vernis pop, de ce que la société fait aux adolescentes quand cette dernière est désertée par la solidarité de classe.
Reste la figure éthérée de Megan Fox, dont les instants de fragilité tirent tout de même le fil d’une compassion possible.
C’est en pré-séance, avec le court métrage de la réalisatrice malaisienne Amanda Nell Eu, que l’on retrouvera l’espace mystérieux et sauvage, de l’amour entre deux jeunes filles, dans une relation pleine de grâce et silences entendus.
Lagi Senang Jaga Sekandang Lembu de Amanda Nell Eu
2018 | 20 min | VOSTEN
Au cœur d’une région rurale, deux adolescentes marginales se lient d’une amitié orageuse. L’une découvre les terribles secrets de l’autre et, entre violence, cruauté et tendresse, assiste à la métamorphose de sa nouvelle amie.
Jennifer’s Body de Karyn Kusama
2009 | 1h47 | VOSTFR
Jennifer et Needy sont BFF: Best Friend Forever, depuis l’enfance. Deux pôles opposés que sont les adolescentes, l’une est populaire et assurée, l’autre plus effacée et timide. Mais après qu’un évènement se soit terminé de manière tragique, Jennifer n’est plus la même. Elle semble animée d’un puissant appétit pour la gente masculine, ce qui ne manque pas de troubler Needy…
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Tarif de la séance
Prix libre (+ adhésion)
Nous souhaitons que le cinéma demeure accessible à toutes et tous. La curiosité, et le plaisir des images ne doivent pas être un privilège. Les projections engendrent des coûts de diffusion, c’est pour cela que nous conseillons le prix de 5€.
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