Voyage le long de la myhique Road 66 et de la Harvey Railway Line à travers les cultures indiennes  Apaches et Pueblos, la communauté de Taos, la Santa Fe trail et le Camino Real. Un mois durant le Non-Lieu centrera ses activités autour d’un thème unique, les Etats-Unis, sur une partie spécifique du Far West constituée par une sorte de « quadrilatère » que forment les Etats de du Colorado, de l’Arizona, du Nouveau Mexique et de l’Utah.  Le parti-pris est le suivant, la culture américaine, notamment ses mythologies sont partie intégrante de l’imaginaire des Français, au point que l’on pourrait parler d’une sorte de double culture, agissante dès l’enfance, celle associée au Wild West notamment. Une partie de la programmation du Non Lieu investit le Videodrome 2 pour vous présenter une quadrilogie consacrée à un réalisateur emblématique de l’age d’or du Western.
Signant parmi les westerns les plus singuliers du cinéma américain, Budd Boetticher offre une oeuvre qui comporte sa propre mythologie, chaque film renvoyant aux autres.


7 hommes à abattre

Budd Boetticher, Etats-Unis, 1956, 1h18

Une nuit d’orage dans le désert d’Arizona. Un homme vient s’abriter dans une grotte où se trouvent déjà deux individus qui l’invitent à boire le café. Quelques secondes après, ces derniers sont brutalement abattus par l’étranger… Ben Stride (Randolph Scott), tel est son nom, rencontre un couple de pionniers, John et Annie Greer se rendant en Californie, et les aide à sortir leur chariot d’ornières boueuses. Sur leur insistance, il accepte de les accompagner un bout de chemin afin de les escorter et de les protéger des Chiricahuas affamés qui vagabondent dans la région. Son mari (Walter Reed) n’étant à priori pas fait pour la vie dans cet Ouest sauvage, Annie (Gail Russell) n’est pas insensible au charme du ténébreux aventurier. La réciproque est aussi valable ! Lors d’un arrêt dans un relais de diligence abandonné, ils sont bientôt rejoints par Bill Masters (Lee Marvin) qui semble très bien connaître Stride qu’il appelle « Shérif ». En effet, ex-Marshall de Silver Springs, Stride vient de perdre son épouse, tuée lors du hold-up de la Wells Fargo pour qui elle travaillait. Désormais, Stride n’a de cesse de poursuivre les sept hommes responsables pour les exterminer. Masters, étant au courant de toute l’histoire et sachant que les bandits se sont emparés de 20 000 dollars en or, décide pour les retrouver de s’associer momentanément et faire route avec l’homme qui l’a autrefois emprisonné à deux reprises. Leurs buts évidemment diffèrent et, pour compliquer encore les choses, Annie ne laisse pas indifférent Masters non plus. La tension monte au sein du groupe…

Seven Men from now est le film qui lance une des associations les plus fructueuses du western américain des années 50 entre le réalisateur Budd Boetticher, le scénariste Burt Kennedy et l’acteur Randolph Scott. Le succès du film lancera la carrière du débutant Kennedy tandis que Boetticher verra dans l’épure et la limpidité de son script l’illustration parfaite de figure récurrente de son cinéma avec le héros taciturne en quête de vengeance. Randolph Scott s’avérera l’interprète idéal de leur vision et lui si souvent cantonné dans l’ombre d’autres acteurs de western comme John Wayne, Gary Cooper ou James Stewart se créera à son tour un type de personnage dont l’influence s’étendra notamment à Clint Eastwood dans Josey Wales. C’est d’ailleurs à John Wayne que Boetticher doit la rencontre avec ces deux partenaires, le Duke réparant ainsi l’outrage commis quelques années plus tôt lorsqu’il charcuta au montage (sur les conseils de John Ford) La Dame et le Toréador, un des projets les plus personnels de Boetticher (sur sa grande passion de la corrida) qu’il produisait.

Sept hommes à abattre porte au summum les préceptes du western de série B, qualificatif qu’on doit plus associer aux moyens qu’à l’ambition. Le script de Kennedy tisse ainsi une ligne claire narrative où chaque élément s’agence dans une construction limpide dans un film dense d’à peine 1h15. Une leçon de narration classique en somme où le récit va constamment de l’avant, sans fioritures et nourrissant les personnages au gré de leur actions, discrète ou plus spectaculaire. La détermination et la soif de vengeance de Randolph Scott est captée dès l’ouverture saisissante, la faiblesse de caractère du brave type John Greer également de manière symbolique lorsqu’il se montre incapable d’extirper son charriot embourbé et les sentiments naissant entre Scott et Gail Russel se devinent en un regard (l’expression des sentiments se faisant avec une sobriété bouleversante lorsqu’il se retient de l’embrasser avant de la quitter).

Randolph Scott est comme toujours parfait : monolithique, taiseux, mais dissimulant toujours une humanité et fragilité poignante qui révèlera ici une terrible culpabilité le rongeant pour la mort de sa femme. En antagoniste parfait, Lee Marvin campe un extraordinaire et flamboyant méchant qui annonce son rôle de L’Homme qui tua Liberty Valance. Goguenard, séducteur et impitoyable tueur, Bill Masters (à la manière d’un Lancaster dans Vera Cruz la relation Scott/Marvin rappelle d’ailleurs celle Lancaster /Cooper du film d’Aldrich) parvient pourtant à être étonnamment attachant grâce au charisme de l’acteur qui lui apporte une nonchalance et une décontraction irrésistible (cette scène où il assassine un complice en prenant presque la pose…).

Cette sobriété et efficacité maximale de l’ensemble se répercute bien sûr dans la mise en scène de Boetticher. Toute velléités esthétisante est abandonnée pour comme toujours se mettre au service de l’histoire. Les cadrages précis n’usent du cadre naturel que pour ce qu’il est, un espace à traverser. On ne pousse plus avant la description que sur les lieux doivent abriter un morceau de bravoure tel les rocheuses de l’affrontement final dont la topographie n’aura aucun secret pour nous en une poignée de plans. De même, la violence surgit de manière sèche et foudroyante (le face à face d’ouverture, la mort de John Greer) à l’image du duel final sans atermoiements ni étirement à la Leone mais un règlement de compte pur et simple.

Un vrai chef d’œuvre du western dont la simplicité exemplaire en fait une des incarnations les plus pures et emblématiques du genre. Après cette immense réussite Boetticher, Kennedy et Scott poursuivront leur collaboration dans une série de cinq westerns (The Tall TDecision at Sundown, Commanche Station, Ride Lonesome, tous traité sur le blog) où ils affineront et apporteront des variations diverses à la recette magique découverte sur ce parfait Sept Hommes à abattre

 

 

Oscar Boetticher, connu sous le nom de Budd Boetticher, est né 29 juillet 1916 à Chicago. Il a d’abord été boxeur de renom, vedette de football américain et matador avant de se consacrer au cinéma. Il débute sa carrière en 1951, en tant que scénariste, en écrivant un script sur un milieu qu’il connaît bien, la tauromachie : La Dame et le toreador. Ensuite il consacre une très grande partie de sa carrière au western, dont l’âge d’or se situe entre la fin des années 40 et le début des années 60.

Pendant cette période il réalise certaines des oeuvres les plus marquantes du genre notamment : Le Traitre du Texas en 1952 avec Robert Ryan, de nombreux films qui marquèrent son étroite collaboration avec l’acteur Randolph Scott et le scénariste et réalisateur Burt Kennedy, Sept hommes à abattre (consacré par beaucoup comme étant certainement l’un des meilleurs westerns jamais tournés) en 1956, La Chevauchee de la vengeance en 1959 (où James Coburn fait ses débuts), Comanche Station en 1960, ainsi que ainsi que Buchanan rides alone avec Craig Stevens en 1958.
Bien qu’en apparence le western semble avoir été son genre de prédilection, le cinéaste ne se pas limite à ce dernier. Alors que les derniers soupirs du western dit « classique » s’annoncent, Boetticher change son arme d’épaule pour s’atteler au genre policier. En 1955, il réalise le polar, Le tueur s’est evade ,et en 1960 le majestueux, La Chute d’un caid, superbe biographie de gangster.
Entre 1960 et 1970, il disparaît quasiment des plateaux de cinéma. Il n’en reste pas moins actif, en réalisant un documentaire sur son ami Carlos Arroza alias le « cyclone mexicain », une figure parmi les plus grands matadors. La biographie du toréador l’occupe pendant près de 7 ans, et sort sur les écrans en 1972.
Il ne retrouve plus ensuite la gloire des années 50, bien qu’en 1970, il soit à la source du scénario du film à succès de Don Siegel, Sierra Torride. En 1971, il clôt sa période westernienne avec un film épitaphe : Qui tire le premier ? où un jeune héros traverse le vieil Ouest mythique en se faisant attaquer par toutes les figures légendaires du genre (le juge Roy Bean, Jesse James…).
Sa toute dernière apparition au cinéma, s’est en tant qu’acteur qu’il l’a fait, il joue en effet le juge Nizetitch aux côtés de Mel Gibson et Kurt Russell dans Tequila sunrise en 1988. Boetticher surnommé, « l’impossible monsieur B.B », était apprécié et reconnu pour ses cadrages, sa direction d’acteurs et son sens, nerveux et efficace, de la narration.



 

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