Édito
Et un beau jour, on découvre le cinéma de Guy Gilles. On tombe des nues : ça existait, ces films existaient, et on n’en savait rien ? Ce cinéaste a vécu, et on n’avait jamais entendu son nom ? L’ardent recueil d’images et de sons dont il est l’auteur n’avait donc pas réussi à se frayer une place parmi les œuvres qui comptent aux yeux des cinéphiles français ?
En son temps, pourtant, il eut des admirateurs, parmi ses pairs (Marguerite Duras) comme chez les critiques (Jean-Louis Bory). En 1973, Absences répétées reçut le Prix Jean-Vigo. Mais Gilles était loin de faire l’unanimité. Trop sentimental, sans doute. Même Vecchiali, duquel son cinéma est pourtant proche (lyrisme désuet et vitalité formelle, sympathie pour les marginaux et les vieilles bourgeoises, tempérament libertaire et refus des étiquettes sexuelles), a déclaré de lui que c’était de la « sensiblerie » — c’est dire.
La poétique de Guy Gilles repose sur une approche très personnelle, et même très intime, de l’image et du montage. Une accumulation d’instantanés — d’êtres, de lieux, de choses — déconnectée de l’action, donnant l’impression de vouloir arrêter le temps qui court, en tout cas d’en saisir des bribes avant qu’il n’ait fui. Comme on collectionne les photos. A l’excès, jusqu’à l’ivresse, parfois la nausée.
Comme Camus, Gilles ne cachait pas sa nostalgie pour l’Algérie de son enfance (mais lui reconnaissait, faut-il le préciser, son droit à l’auto-détermination). Comme Camus, la révolte est chez lui presque plus métaphysique que sociale. Spleenétique, même. Ses films sont peuplés de jeunes hommes plus ou moins neurasthéniques et tentés par la fugue, ou le suicide — le seul « problème philosophique vraiment sérieux », comme disait l’autre… Mais ce sont aussi des marginaux, nulle part à leur place dans la société. En cela, le cinéma de Gilles, tout sauf bourgeois, est bien plus politique qu’il n’y paraît. Secrètement mais puissamment sexuel, aussi.
Guy Gilles a existé, il n’est plus, son cinéma reste. Depuis une vingtaine d’années, grâce au travail patient de quelques passionné.es, on le redécouvre. La Rochelle, Lussas, la Cinémathèque française, La Loupe, Paris 8 lui ont ouvert leurs portes : merci au Videodrome 2 de l’accueillir à son tour.
Raphaël Lefèvre
Film surprise
Court métrage
Le Jardin qui bascule
1975 | 1h20 | pellicule 35 mm
Deux jeunes tueurs à gages parviennent à se faire inviter dans la villa de celle qu’ils sont chargés d’éliminer. Mais rien ne se passe comme prévu.
» Le Jardin qui bascule est un film à contempler, dont presque chaque plan est une « nature morte » de photographe ou de peintre. Personnages, paysages et objets sont saisis, comme immobilisés dans les instants où ils surgissent sur l’écran. Delphine Seyrig, qui n’a jamais été aussi belle ni aussi émouvante, incarne la nature insaisissable de la femme, figurée aussi par Jeanne Moreau et Anouk Ferjac, qui ne font qu’apparaître. Patrick Jouané , sombre et blessé jusqu’au désespoir, est très exactement l’acteur qui convient à l’univers de Guy Gilles, où l’adolescent, le jeune homme, est condamné à aller, très vite, jusqu’au bout de lui-même. «
Le Monde, 22 mai 1975
À propos de Raphaël Lefèvre
Raphaël Lefèvre est monteur et a travaillé avec de nombreux.ses cinéastes : Claire Doyon (Pénélope Mon amour), Yann Gonzalez (Un couteau dans le cœur), João Pedro Rodrigues (L’Ornithologue), Jean-Sébastien Chauvin, Elena López Riera (El agua) ou encore Yolande Zauberman. Il est également réalisateur de deux court-métrages : Les Irradiants et Nos Désir.
Informations pratiques
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Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme une possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu.
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