Est-il possible de regarder des films de Jean-Luc Godard sans avoir le regard parasité par son aura ? Il a réalisé tant de films et depuis si longtemps, il a été cité, parodié tant de fois, il a tellement accordé d’entretiens qu’il est familier à beaucoup, et à ce titre, aimé ou détesté.
Depuis la parution du dépliant annonçant le cycle où ses films sont présentés, combien de fois a-t-on entendu dans les murs du Videodrome 2 : « Encore ! » ? Comme si le monde, les écrans de cinéma et de télévision, à Marseille et ailleurs, étaient saturés de films de Godard, comme si chacun les avait vus, simplement vus…
Pour permettre cela, que certains films soient vus (et dans de belles conditions, nombre de films étant montrés en copie 35mm), nous les avons réunis sous l’égide d’une thématique non culturelle : il ne s’agit pas tant en effet, durant cette semaine, de constituer une culture ou un savoir sur Godard, sa vie, son œuvre, que d’interroger une question : l’amour. Comme le dit Myriem Roussel (Marie, dans Je vous salue, Marie), lisant Françoise Dolto dans Petites notes à propos du film Je vous salue, Marie : « Que savons-nous, avec nos connaissances biologiques et scientifiques, de l’amour et de son mystère ? Que savons-nous de la joie ? »
Nouvelle vague
Jean-Luc Godard – France, 1990, 1h30
Copie vidéo
avec Alain Delon, Domiziana Giordano, Laurence Côte, Roland Amstutz
C’est élémentaire, ce qu’il y a dans ce film : il y a une femme qui renverse un homme en voiture. Ils se tendent la main. Ensuite, on voit deux ou trois choses. Et puis on voit l’homme qui tend la main et la femme ne la prend pas. Cinq minutes après on dit : l’hiver est passé, l’été était revenu. On dit ça d’une manière que certains amis appellent poétique. Et puis c’est l’inverse, c’est la femme qui se noie, ou qui veut se noyer. Elle tend la main, l’homme hésite un moment et finalement la lui prend. Et puis après, la femme lui dit « : ah bon, alors c’était toi. » Et voilà. Il n’y a rien d’autre. Quelq’un a reconnu quelqu’un d’autre et chacun a accepté les difficultés -et ça c’est loin d’être bien fait, je suis d’accord, de reconnaître l’autre pour ses besoins propres. C’est ce qu’il y a sur l’écran. Vous le montrez à un juge d’instruction -qu’il soit stalinien ou qu’il soit américain – il vous dira : c’est sur l’écran. Il y a aussi des choses dans ma tête, mais il y a quelque chose qui est sur l’écran. Comme sur une plaque de microscope chez le médecin.
Jean-Luc Godard, extrait de la conférence de presse au festival de Cannes, in Cahiers du cinéma 433, juin 1990.
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