Édito

 

 

Doris Wishman, Stephanie Rothman et Amy Holden Jones relèvent le curieux paradoxe d’être à la fois des réalisatrices légendaires, et d’être pourtant méconnues du grand public. Peut-être parce qu’elles officiaient dans le cinéma d’exploitation américain, dont les productions outrancières et anarchiques sont tombées longtemps sous les radars de la critique. Peut-être aussi qu’en tant que cinéastes de genre, elles ont été réduites à des codes cinématographiques, et les oeuvres ont pris le pas sur les artistes.

Alors oui, Wishman, Rothman et Holden Jones pourraient être (re)découvertes simplement pour les petits bijoux artisanaux et transgressifs qu’elles mettent en scène. Pourtant, après Laura Mulvey, après Judith Butler, après #MeToo, leur travail se trouve imprimé d’un prisme nouveau et presque révolutionnaire : celui du female gaze.

Les trois réalisatrices questionnent tour à tour les conventions des films érotiques, des films de vampire ou de slashers. Alors que ces genres se sont construits sur une iconographie patriarcale – celle d’une prédation esthétisée et voyeuriste -, elles proposent une inversion de perspective, posant la question plus large de l’agentivité face à des figures imposées.

De là à en faire les chantres d’un (proto-)féminisme ? Non : parce qu’elles ne l’ont jamais revendiqué ; et parce que leurs films n’ont jamais été conçus comme des manifestes politiques. Ils sont en tout cas un majeur levé très punk aux étiquettes étriquées et un hymne badass à une contre-histoire du cinéma.

Nicolas Andrieux

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The Velvet Vampire

de Stephanie Rothman | 1971 | États-Unis | 1h20 | Vostfr

Quand Diane, femme fatale raffinée, propose à un jeune couple une virée dans sa maison de campagne, les tourtereaux ne se méfient pas. Virée en buggy dans le désert, séduction lascive et bissexuelle, randonnées dans un cimetière, jusque là tout va bien. Oui mais quand la vamp s’avère être une vampire – pouet pouet – alors ça tourne au drame.

Premier film d’horreur confié par Roger Corman à une réalisatrice, The Velvet Vampire est une fable ensorcelante, sensuelle, et à demi-mot militante : parce que c’est ici une femme qui a les plus grosse canines, et parce que le « héros » du film n’est ici qu’une proie doublement facile – pour la vampire qui en fait son casse-croute et pour la caméra qui le déshabille, lui aussi. Ajoutées à cela une photographie feutrée et une soundtrack iconique, et ce chef d’oeuvre de Stéphanie Rothman déboussole autant qu’il ne captive.

 


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