Édito
Doris Wishman, Stephanie Rothman et Amy Holden Jones relèvent le curieux paradoxe d’être à la fois des réalisatrices légendaires, et d’être pourtant méconnues du grand public. Peut-être parce qu’elles officiaient dans le cinéma d’exploitation américain, dont les productions outrancières et anarchiques sont tombées longtemps sous les radars de la critique. Peut-être aussi qu’en tant que cinéastes de genre, elles ont été réduites à des codes cinématographiques, et les oeuvres ont pris le pas sur les artistes.
Alors oui, Wishman, Rothman et Holden Jones pourraient être (re)découvertes simplement pour les petits bijoux artisanaux et transgressifs qu’elles mettent en scène. Pourtant, après Laura Mulvey, après Judith Butler, après #MeToo, leur travail se trouve imprimé d’un prisme nouveau et presque révolutionnaire : celui du female gaze.
Les trois réalisatrices questionnent tour à tour les conventions des films érotiques, des films de vampire ou de slashers. Alors que ces genres se sont construits sur une iconographie patriarcale – celle d’une prédation esthétisée et voyeuriste -, elles proposent une inversion de perspective, posant la question plus large de l’agentivité face à des figures imposées.
De là à en faire les chantres d’un (proto-)féminisme ? Non : parce qu’elles ne l’ont jamais revendiqué ; et parce que leurs films n’ont jamais été conçus comme des manifestes politiques. Ils sont en tout cas un majeur levé très punk aux étiquettes étriquées et un hymne badass à une contre-histoire du cinéma.
Nicolas Andrieux
Bad Girls Go to Hell
de Doris Wishman | 1965 | États-Unis | 1h05 | Vostfr
Attention : cette œuvre contient des contenus explicites (violences sexuelles) et qui peuvent ne pas convenir à certaines sensibilités.
Meg vit la vie rêvée d’une femme au foyer : cantonnée aux tâches ménagères et délaissée par son mari. Alors que ce dernier l’abandonne à nouveau, elle se fait agresser par le concierge, qu’elle tue avant de prendre la fuite. S’en suit alors une course poursuite cauchemardesque dans les arcanes d’une New York, crade et tentaculaire.
Wishman investit ici le genre du « roughie », sorte de réponse noire et sadique à l’innocence guillerette de la sexploitation balbutiante. Mais contrairement aux Russ Meyer et autre David F. Friedman, la réalisatrice prend ici le point de vue la victime, et elle se livre à une revue d’effectif crue et quasi-encyclopédique de la prédation sexuelle. Tout ça avec le style corrosif et satirique qui fait la signature d’une Wishman au sommet de son art. Un must-see absolu – mais à consommer averti !
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