20h30 Le film sera présenté par Olivier Puech
French connection
De William Friedkin, 1985, USA, 1h56, VoStFR
C’est un William Friedkin quelque peu revanchard qui s’attelle à la réalisation de French Connection. Avec Les Garçons de la bande, son film précédent, il a essuyé son quatrième échec commercial d’affilée, rendant sa position d’autant plus fragile au sein de la profession qu’il est perçu comme un « artiste » ingérable. Dans ce contexte délicat, sa rencontre avec Phil D’Antoni, heureux producteur de Bullitt, que Friedkin lui-même considère comme l’un des meilleurs films de sa génération, relève de la providence. Les deux hommes se lient rapidement d’amitié et le producteur lui soumet bientôt le livre The French Connection de Robin Moore, lequel raconte l’histoire de la plus grande saisie d’héroïne qui ait eu lieu aux États-Unis. Un ouvrage qui ne convainc pas immédiatement William Friedkin jusqu’à ce qu’il rencontre les deux principaux inspecteurs chargés de l’affaire : Eddie Egan et Sonny Grosso. Fasciné par leur bagout et leurs nombreuses anecdotes, il se met à les fréquenter assidûment, les accompagnant même sur le terrain. Désormais bien décidé à réaliser le film, William Friedkin accompagne Phil D’Antoni pour soumettre le projet au tout Hollywood sur la seule foi d’un synopsis. Au bout de deux ans de vains démarchages, l’enthousiasme initial cède la place à un profond découragement. Puis un second coup de pouce du destin en la personne de Dick Zanuck relance la machine. Alors président de la Twentieth Century Fox dont le temps à sa tête était compté, Dick Zanuck rappelle les deux hommes et leur soumet la proposition suivante : s’ils peuvent faire le film pour 1,5 millions de dollars, montant de ce qui lui reste sur son budget annuel, alors il s’engage à le produire.
Lorsqu’il se lance enfin dans la réalisation de French Connection, William Friedkin a une idée bien précise de ce qu’il veut obtenir. Conforté par la somme d’anecdotes récoltée et le quotidien des policiers qu’il a été amené à partager, il s’éloigne de toutes considérations glamours et artistiques au profit d’une quête de réalisme maximale. Grandement impressionné par la mise en scène de Costa-Gavras sur Z, William Friedkin en épouse le style quasi-documentaire, demandant à son cameraman Enrique Bravo de filmer au plus près de l’action sans se soucier de ce qui peut éventuellement encombrer le cadre. Il souhaite un filmage « sur le vif », à l’immédiateté prégnante. Toujours dans ce souci d’efficacité, l’intrigue se déploie avec fluidité, l’enquête de Popeye et Buddy Russo démarrant de la manière la plus anodine qui soit – sur la base d’une intuition – avant de révéler ses nombreuses ramifications sans s’encombrer d’un quelconque temps d’exposition.
Popeye et Buddy Russo n’existent que par et pour leur boulot. Le premier impulse le récit par son intuition et son entêtement, lesquels confinent parfois à l’aveuglement, lorsque le second le soutient en toutes circonstances, jouant un rôle de médiateur entre son collègue à la mauvaise réputation et leur hiérarchie. Tout au long du film, William Friedkin orchestre un jeu de miroirs permanent entre Alain Charnier d’un côté, Popeye Doyle et Buddy Russo de l’autre. Le premier vit dans une somptueuse villa du bord de mer à Marseille, fréquente les palaces et mange bien au chaud dans un restaurant chic de New York lorsque les flics vivent dans des appartements sans charmes et se nourrissent de pizzas molles en tentant vainement de se réchauffer lors de leurs filatures en pleine rue par un froid de canard. Ce décalage nourrit la hargne et l’abnégation de Popeye dans une sorte de lutte des classes qui va bien au-delà du simple jeu du chat et la souris.
L’arrestation de Charnier, dont le nom à la consonance funeste renvoie aux morts provoquées par les stupéfiants qu’il vend, devient une affaire personnelle qui vire à l’obsession. Popeye se désolidarise peu à peu de l’action collective pour mener sa vendetta personnelle. Symboliquement,il finit par basculer du mauvais côté de la barrière. Brutal, William Friedkin nous laisse désemparé devant ce personnage petit à petit rongé par une haine tenace et qui au moment de sa gloire se retrouve au fond du trou.
L’opération de la dernière chance pour William Friedkin s’est avérée payante. Tout en imposant des choix radicaux, il a su fédérer un large public et s’en trouvera récompensé aux Oscars. Commence alors pour lui une période où il se sent pousser des ailes, sûr de son talent et convaincu que le public le suivra quoi qu’il fasse. Une illusion comme Hollywood en produit beaucoup et dont William Friedkin peinera à en dissiper durablement les effets.
Source : Tortillapolis
Le programme complet de la rétrospective
Friedkin Connection : une rétrospective, 2ème partie
Du mardi 12 février
au samedi 16 février 2019
Voir le programme de la rétrospective
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