Pour cette première séance du cycle La révolution du désir, nous ne vous épargnerons pas.
C’est ici la programmatrice qui parle, la femme désirante qui voulait montrer du cinéma fait par et avec des femmes désirantes. Il y avait pour moi une évidence à montrer un film de Catherine Breillat. Sa filmographie regorge de filles qui veulent jouir de leur corps et n’épargne pas le spectateur qui s’imagine encore qu’elles sont plus romantiques que leurs homologues masculins. On ne sort pas indemne d’une projection d’À ma sœur !, chronique de l’adolescence à l’issue choquante et banale d’un fait divers. C’est un coup de poing dans ta gueule de pucelle, c’est cruel, c’est la vie, et on se doute bien que la réalisatrice nous parle un peu d’elle aussi, ça vous étonne ? Tant mieux. Le prince charmant c’est comme le père noël, ça n’existe pas.
Et comme si ça ne suffisait pas, nous vous avons réservé un court-métrage coup de cœur qui met en scène une exhibitionniste, Flasher Girl on Tour, réalisé dans le cadre du projet Dirty Diaries, une compilation suédoise pornographiques et artistiques féministes comme on les aime.
Ce soir, la sexualité féminine entend faire exploser toutes les conventions, sociales comme cinématographiques.
Flasher Girl on Tour (sous-réserve)
de Joanna Rytel – 2010, Suisse, 14 min
interdit aux moins de 18 ans
« Je veux m’exposer aux hommes ; vieux, adultes, pères de famille et autres cochons. Je suis très sérieuse. Je ne veux pas le faire pour me venger du système patriarcal, même si ma chatte est aujourd’hui une arme. J’ai juste envie de le faire. Vous offrir un peu de chatte. Ça m’excite. Je suis une exhibitionniste. Ouais, les femmes exhibitionnistes sont peu courantes. C’est fou putain, mais peut-être pas si étrange… En tant que femme, on a un désavantage physique. Qu’est-ce qui se passe si quelqu’un bande et veut te violer pendant que tu es assise en train de te masturber sur un banc ?
J’ai essayé de trouver des films pornos avec des femmes exhibitionnistes. Il n’y en a pas et ça fout la merde. Je ferai probablement mon propre film bientôt. En attendant, mes préférés restent les films pornos gays, ceux où ce sont apparemment des hommes hétéros qui baisent. C’est marrant, même les gays croient que les acteurs sont gays. Non, relax, ce ne sont que des hétéros qui se font des petits extras.
Retour à l’exhibitionnisme. J’ai simplement décidé de m’exposer dans un endroit sûr où personne ne peut m’interrompre. Évidemment, je ne me branlerais pas dans le parc comme n’importe quel crétin. Non, je choisis mes lieux avec intelligence. Mes deux endroits préférés sont : les balcons sur cour qui donnent sur des centaines de fenêtres et au bord de la mer, en face des ferries et des bateaux. Je veux dire, qui va sauter et m’arrêter ?
Je vais trouver des femmes qui pensent comme moi et former un groupe. Mais les hommes ne pourront pas adhérer, parce que vous êtes tous dégoûtants et parce que nous les filles avons le droit d’être dégoutantes en public. La seule partie de leurs corps que les hommes ont le droit de montrer en public sont leurs tétons. Parce que j’adore les tétons des hommes. Bye ! » Joanna Rytel
Artiste controversée Joanna Rytel joue sur les tensions entre pouvoir, genre et identité. Dans ses films, elle est son propre personnage et s’attache à proposer une expérience qui défie le bon goût et le politiquement correct. Joanna Rytel veut briser les tabous, regarder sans baisser les yeux, quitte à être intimidante. Mais elle ne perd jamais de vue son objectif : voir et penser différemment.
À ma sœur !
de Catherine Breillat – 2001, France/Italie, 1h33
avec Anaïs Reboux, Roxane Mesquida, Libero De Rienzo, Arsinée Khanjian
interdit aux moins de 12 ans
*projection en pellicule 35mm*
Anaïs a 13 ans. Elle passe ses vacances à La Palmyre, en Charente-Maritime, avec ses parents et sa sœur Elena, qui a deux ans de plus qu’elle. Quand Elena fait la connaissance de Fernando, un jeune homme italien, elle tombe immédiatement amoureuse de lui et elle a avec lui sa première expérience sexuelle. Anaïs, qui dort dans la même chambre, est amenée, malgré elle, à en être le témoin. Les parents ne montrent guère de compréhension à l’égard de leurs filles. Le père est obligé de rentrer plus tôt que prévu. Quand la mère découvre «la faute» commise par Elena, elle repart en avance avec ses filles et alerte celle-ci que son père va la faire examiner par un gynécologue. Sauf que…
« Le point d’exclamation dans le titre À ma sœur ! est une manière de porter un toast à la virginité. J’aime les choses ironiques. Le point d’exclamation donne la sensation de quelque chose de martial. Comme si chacune trinquait à la virginité de l’autre. Personne ne l’a compris comme ça et je dois dire que je préfère le titre premier que j’avais fait et qui était anglo-saxon. Ça devait s’appeler «Fat girl». Il y a eu des tests par les instituts de sondage et ils se sont avérés très mauvais. Ils estimaient que le public français ne pouvait qu’aimer un titre en français.» Catherine Breillat
« Je ne crois pas réellement à l’être aimé. Il y a un sentiment, une exaltation amoureuse, de la fiction. Mais si on ne fait plus cet effort de fiction qui rend les neurones plus actifs, qui vous illumine et vous rend désirable et illuminé, c’est fini. Le sentiment amoureux n’est qu’un sentiment de fiction et la fiction demande tout de même un effort. » Catherine Breillat, Corps amoureux de Claire Vassé, Éditions Denoël, 2006
« (…) Loin de tout pathos féministe tout autant que des clichés patriarcaux, le cinéma de Catherine Breillat se trouve à la distance idéale, la plus juste, celle qui n’entrevoit la question de l’identité que dans un rapport fort et problématique, sans doute sans issue possible, avec l’autre.
Avant d’être cinéaste, Catherine Breillat a été écrivain. Elle publie à dix-sept ans son premier roman, L’Homme fragile. En 1976, son premier long métrage, Une vraie jeune fille est l’adaptation d’un autre de ses romans, Le Soupirail. La littérature ne se séparera jamais de son travail de cinéaste. Elle continuera, en effet, d’écrire tout en réalisant des films, fera d’un scénario qu’elle n’arrivera pas à faire financer, un roman (36 Fillette), qu’elle finira plus tard, néanmoins, par adapter à l’écran. Tout comme elle transformera en récit le scénario de Police qu’elle n’aura pas pu mener à bien avec Maurice Pialat. Son essai Pornocratie deviendra en 2005 le film Anatomie de l’enfer. Une telle interaction du cinéma et de la littérature n’aboutit certes pas à mettre sur le même plan les deux activités créatrices mais ne sera pas sans conséquences sur la manière dont l’une nourrit l’autre, dont les images innervent les mots et dont les mots, que ce soit les dialogues d’une crudité parfois sidérantes ou les voix off souvent d’une belle précision, alimentent les images.
Le cinéma de Breillat s’affirme dénué de toute illusion face à ce que l’on désigne comme « la révolution sexuelle ». L’amour libre est un oxymore redoutable, une contradiction insoluble. Car la liberté apparente éprouvée par ses personnages y apparaît lourde de contraintes et de prescriptions douloureuses. C’est ainsi que la perte de la virginité est à la fois désirée et redoutée dans ses films mettant en scène des adolescentes (Une vraie jeune fille en 1975, 36 Fillette en 1988, A ma sœur ! en 2001)
(…) Séparer la tête du sexe, le cul et les sentiments, tout en sachant qu’il faut bien composer avec les deux, c’est exactement l’obsession de l’héroïne de Romance X (1999) qui imagine un dispositif fantasmatique qui couperait en deux le corps des femmes. Au-dessus, l’amour et la raison imposée par la société, en dessous le sexe.
Le cinéma de Breillat raconte une guerre redoutable dont il dissèque avec précision les mécanismes. Et c’est en optant pour les plans longs, seule manière de saisir l’intensité de ce qui se joue, de décortiquer le conflit de la volonté et du désir, de la pulsion et de la peur que Breillat parvient à atteindre la vérité de certains moments. Souvent les longues scènes durant lesquelles les tentatives de séduction voire de possession de l’un se heurtent à la résistance de l’autre constituent les moments forts des films. On se souvient de Claude Brasseur essayant de « basculer » Lio sur un canapé dans Sale comme un ange (1990), de l’infini mouvement de balancier (« tu veux ou tu veux pas ? ») capté entre Etienne Chicot et Delphine Zentout dans 36 fillette, du siège d’Elena par son petit ami italien essayant de la déflorer sous les yeux de la sœur de celle-ci dans A ma sœur !. C’est sans doute dans Parfait Amour ! (1996) que la dimension mortelle de la guerre des sexes apparait le plus visiblement. L’amour est ici un lent processus de destruction moins en raison d’une impossible réconciliation des sexes, moins parce que son cinéma semble affirmer le cliché selon lequel il n’y aurait pas de rapports sexuels, mais bien plutôt parce qu’il semble confirmer une réalité redoutable : on en veut toujours à l’autre, jusqu’à la haine parfois, du désir qu’il a déclenché en soi. » Jean-François Rauger pour La Cinémathèque Française
> Voir aussi l’article de Critikat
La révolution du désir
Voir le programme complet du cycle
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