Édito

 

Cette année, l’équipe du festival poursuit sa mue. Les « anciens » s’attellent à transmettre aux nou- veaux et nouvelles venu.e.s le frais flambeau de l’esprit de la Première Fois. L’aventure continue et continuera, animée d’un désir de découvertes cinématographiques !

Les films de la sélection 2023 captent aussi une mue, sociale celle-là. Les renouvellements profonds à l’œuvre affleurent dans les images, révélant en même temps les dépouilles du corps de l’ancien monde.

Les quinze films proposés saisissent les transformations sociales, intimes et politiques à bras-le corps. Que ce soit la domination patriarcale, la misogynie ou la colonisation, les cinéastes rendent visibles des rapports malades, des structures inégalitaires mais aussi des gestes émancipateurs et des solidarités salvatrices. Il sera question des incels qui trouvent dans le monde virtuel du web un effrayant exutoire, de la transphobie meurtrière dans une Athènes en mutation, d’un combat intime et juridique pour s’extraire d’une vie conjugale délétère, de la réappropriation d’une mémoire individuelle ou collective, et finalement de la chaleur des liens humains face à la tentation de l’individualisme.

Les cinéastes mettent en image ces rapports en inscrivant leur démarche dans un temps long, créant des liens forts avec celleux qui sont devant la caméra – quand ce n’est pas avec elleuxs – mêmes qu’ielles renouent par le geste du cinéma. Et ce serait peut-être cela qu’ielles nous proposent : renouer avec nous-mêmes, en tant que corps intime, singulier, incompressible. En tant que sujet social pour qui l’attention à l’autre serait un acte pleinement politique. En tant que communauté humaine un peu plus consciente d’appartenir à un environnement plus vaste qu’elle, en interdépendance avec le vivant.

De la cellule familiale à l’institution, EHPAD ou ESAT, il s’agit de proposer des alternatives aux représentations et comportements normés pour que s’épanouissent des personnalités complexes dans un peu plus de liberté d’action et de pensée. Il y a quelque chose de l’ordre de la nécessité à changer. Quelle plus belle mue que celle qui nous permet de retrouver une capacité d’agir ?

Le travail d’Alexe Poukine, l’invitée d’honneur de cette édition, résonne parfaitement avec notre sélection. Les personnes qu’elle filme opèrent une transformation de leur récit intime. Ses mises en scène portent à nos oreilles les voix des corps assignés aux rôles de victimes ou de bourreaux pour en modifier nos représentations. Cinéaste de la parole et de la relation, elle contribue à rendre sensibles et dicibles les zones grises du trauma. Sa démarche nous touche au cœur. Nous aurons le plaisir de montrer ses deux longs-métrages et d’explorer ses manières de faire lors de notre traditionnelle masterclass.

Venez donc faire votre mue à cette 14ème édition de La Première Fois !

 


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