Édito

 

 

Cette proposition s’inscrit dans le sillage du premier volet du cycle LE VENTRE DE LEUR TERRE porté à 4 mains et donné au VIDEODROME 2 en avril 2024. Chemin faisant, au fil des échanges, un corpus de films hétérogènes s’étoffe et donne lieu à un agencement de façon à permettre un dialogue ouvert entre des formes cinématographiques éclectiques, avec cette fois, comme motif central, la chasse. Marcher dans les pas des chasseurs, les suivre à la trace, pourrait bien nous conduire jusqu’aux bêtes, au monde sauvage qui, toujours, se dérobe à nos yeux, et pour lequel on peut nourrir une étrange nostalgie, celle d’un monde à jamais perdu. Parler de la chasse qui leur est faite, c’est parler aussi des animaux et même peut-être pour eux, « pour » c’est à dire « à la place de »** ces « maîtres silencieux ».***

« J’aimerais qu’une caméra se pose, sache se poser sur cette petite route montante (une caméra qui saurait faire cela, filmer une voiture qui file dans la nuit) et me suive. […] Le paysage est familier, la route connue. […] Et pourtant, du seul fait que c’est la nuit, il y a ce léger décalage, ce léger mais profond feulement d’inconnu – c’est comme si l’on glissait à la surface d’un monde métamorphosé, empli de frayeurs, de mouvements effarés, d’écarts silencieux. Or voici que de ce monde quelqu’un surgit – un fantôme, une bête : car seule une bête peut surgir ainsi. C’est un chevreuil […].  Une sorte de poursuite s’instaure, où le but n’est pas, surtout pas, de rejoindre, mais simplement de suivre, et comme cette course dure plus longtemps qu’on aurait pu le penser, plusieurs centaines de mètres, une joie vient, étrange, enfantine, ou peut-être archaïque. Puis enfin un autre chemin s’ouvre à lui et le chevreuil, après une infime hésitation, s’engouffre et disparaît. » Jean-Christophe Bailly, Le Versant Animal, 2007

La présence animale appelle les images. Elle fait, pourrait-on dire, image, que ce soit en tant que source de rêve, de projection, de fantasme, ou en tant que réalité brute, fugace et surgissante – comme « seule une bête peut surgir »***. Des animaux, on a longtemps connu que ce que nos yeux et nos oreilles pouvaient percevoir. Surgissement, passage furtif, bruissement de feuilles, traces : « Il y a là une bête »* . Le cinéma a très vite voulu capturer ces perceptions fugaces, rendre ces présences accessibles et (re)connaissables. Une chasse à l’image. En parallèle, l’art a souvent trouvé dans les images de chasse un motif, littéral ou littéraire, qui dit davantage des hommes que des bêtes qu’ils poursuivent. C’est sous ce double hospice que s’articule cette programmation, entre images de chasse et chasse à l’image, à travers des films qui disent tous quelque chose du lien de proximité entre les hommes et les bêtes, et tout au contraire, d’une impossible rencontre.

 

 

* Maurice Merleau-Ponty, La Nature. Notes, Cours de Collège de France, 1956-60
** Gille Deleuze, L’Abécédaire, A pour animal . Entretien réalisé par Claire Parnet, 1988-89
*** Jean-Christophe Bailly . Le Parti pris des animaux . 2013

 

Une proposition de Livia Vesperini & Darjeeling Bouton

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