Édito
So let’s make our own movies like Spike Lee
Cause the roles being offered don’t strike me
There’s nothing that the Black man could use to earn
Burn Hollywood burn.
Extrait de Burn Hollywood Burn, de Public Enemy, de l’album Fear of a Black Planet, DefJam Records, 1990.
Les “Hood films” sont au cinéma ce que le gangsta rap est au Hip-Hop. Des films de quartier, du “ghetto”, représentation qui se veut réaliste et sans concession de la vie dans les projects et les quartiers populaires afro-américains dans les années 90.
Les personnages sont jeunes, noirs, le plus souvent masculins, et confrontés à la violence quotidienne, à la drogue et à la pauvreté.
Les thèmes abordés sont notamment l’amitié, les relations familiales et l’éclatement des familles, les relations homme-femme, le sport ou les études comme portes de sortie, et les violences policières.
Les protagonistes font souvent part de leur mal-être et rêvent d’une vie meilleure hors de leur quartier, mais, pris au piège d’une société raciste qui les marginalise, la mort ou la prison sont présentées comme les seuls horizons possibles pour cette jeunesse no future.
À la suite de la séance de Menace II Society, pour le rendez-vous Dark Sweet Sixteen, nous avons voulu aller plus loin dans notre exploration de ce genre, venu des states, à la fois culte pour qui a grandi en France dans les années 90, et pourtant encore confidentiel. À l’âge d’or des videoclubs et des VHS, puis des DVD, ce sont des films que l’on découvre sur nos petits écrans et qui enfin nous parlent, nous interpellent, à une époque où les personnes noires ou racisées sont très peu représentées dans les médias. L’écho est retentissant chez une jeunesse française marginale avide de modèles puissants et qui se reconnaît dans les messages véhiculés par le hip-hop. On a envie de kiffer la vie, dans ce que la violence contre l’ordre établi, les autorités brutales et les déterminismes sociaux peut avoir de jouissif.
Pourtant, il y a de la contrainte dans les récits de cette modeste sélection, loin d’être exhaustive. Nos protagonistes se débattent, vont à contre-courant de leurs environnements, qu’il s’agisse de leurs proches parfois, mais bien plus souvent de la société entière, régie par des systèmes racistes et d’inégalités de classes. Et c’est ainsi que naissent les tragédies.
“Show me a hero, and I’ll write you a tragedy” écrivait F. Scott Fitzgerald et en effet, une ambivalence entoure ces œuvres quand il s’agit de représentations. Souvent réalisées ou produites par des blancs, elles exploitent les préoccupations raciales dans une visée commerciale. Ce qui questionne, c’est l’utilisation d’une image négative des quartiers populaires qui vient figer la représentation de la communauté noire américaine.
Et pourtant, est-ce qu’un hood movie ne serait pas ce qui se rapproche le plus en termes de codes de la définition d’une tragédie ? Une tragédie définit une “oeuvre dramatique (surtout en vers), représentant des personnages illustres aux prises avec des conflits intérieurs et un destin exceptionnel et malheureux”.
En plus de mettre en scène les personnages qui luttent contre les assignations auxquelles ils sont réduits, dont Hollywood est friand, le hip-hop, la musique et les paroles accompagnent les trajectoires des films, dont les issues dramatiques semblent inéluctables. Lors de ses instants les plus climatiques, la réalisation fait régulièrement usage du ralenti, de succession de gros plans, qui vient donner des visages à des groupes habituellement uniformisés. La mise en scène romanesque, où les protagonistes dépassent leur condition humaine, offre une perspective épique aux agressions et morts que l’on voit à l’écran.
Ainsi, les personnes non blanches, assassinées par la police et souvent oubliées et anonymes, deviennent des icônes martyrs, victimes d’un système à la violence abusive et extrême pourtant légitimées par les pouvoirs.
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