Édito

 

Le cycle Go West est pensé comme un voyage itinérant commandé sur un tour opérateur. Circuit imaginé entre trois grandes villes de la côte Ouest : Los Angeles, San Francisco, Portland. Des villes qui prennent leur essor à l’époque de la ruée vers l’or, dans la hâte d’accueillir les colons de l’Est venues avec la violence et la fatigue de rêves déjà déchus du nouveau continent. C’est avec ce même espoir désespéré propre aux touristes occidentaux, que nous aurions été convaincu·es par le slogan de l’agence de voyage : “Les villes qui vous en donnent plus”*

Ce voyage est un voyage auquel on participe avec dans nos bagages, nos fantasmes, nos rêves, notre imaginaire modelé par des années d’américanisation du monde. Un voyage où l’on arriverait souriant·e, fier·e de débarquer de l’avion sous un soleil de plomb comme le personnage de Judith dans The Savage Eye. Un voyage dans lequel notre guide quelque peu arnaqueur ou bien tout simplement réaliste nous aurait lourdé au bout de quelques jours, en nous disant sur un ton poli “ Démerdez vous”. Puis, désemparé·es par la perte de notre narrateur, la tristesse se serait emparée de nous. Prostré·es dans une chambre d’hôtel sans âme, nous serions accablé·es d’avoir espéré le paradis et de nous rendre compte progressivement des nuances de gris propre à la couche de réalité sombre, tenace et violente présente sous le vernis brillant des histoires auxquelles nous avons voulu croire. Mais c’est grâce à ce désenchantement que nous nous serions rendu·es disponible à une autre histoire, à d’autres rencontres. C’est par ce rejet, que notre regard se serait porté sur les marges, sur les invisibles des récits hégémoniques.

De Los Angeles (The Savage Eye, My Crasy Life) à Portland (Mala Noche) en passant par San Francisco (Chan is Missing), les quatre films ici présentés proposent d’arpenter les villes de la côte Ouest avec un oeil désenchanté, non apprivoisé, un oeil sauvage. Ils nous invitent à sillonner ces villes dans lesquelles des réalités parallèles s’entrechoquent. À traverser, avec les protagonistes, les questionnements qui les animent depuis leur point de vue situé. À plonger dans l’angoisse et la solitude provoquées par des villes qui rejettent tout ce qui ne profite pas à son capital.

Quatre films low budget, parfois auto-produits, dont trois premier long-métrages. Quatre films nés dans l’ombre des studios hollywoodiens. Quatre histoires qui prennent le contre pied de la légende tant narrée de cette terre de l’Ouest, imaginée comme prospère, terre d’opportunité et de bonne fortune.

Quatre films ancrés dans le réel mais qui utilisent l’outil de la fiction, non pas pour reformuler ou altérer l’histoire réel et violente de ce territoire à l’image des fictions hollywoodiennes, mais plutôt comme un outil politique avec lequel il faut composer. Car la réalité contemporaine de l’Ouest américain, ne peut être représentée que dans l’entre deux. Entre la réalité crue des populations colonisées et aujourd’hui considérées comme étrangère au territoire et le fantasme rêvé d’une terre de tous les possibles, dernière limite terrestre avant l’océan pacifique.

Chaque séance sera introduite par une lecture. Les extraits littéraires sont pensés comme des excroissances du cinéma, ils permettront à tour de rôle de créer des échos formels entre image et mots, mais aussi d’accompagner les films d’une perspective historique sur ce territoire complexe qu’est l’Ouest Américain.

*Slogan tiré du slogan officielle de la ville de Los Angeles “La ville qui vous en donne plus”
Anouk Moyaux

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