Édito

 

Cinquante ans après le coup d’État chilien du 11 septembre 1973, perpétré par le général Augusto Pinochet et considéré comme un authentique événement mondial, la programmation intitulée Fragments qui Résistent propose d’interroger la persistance de la mémoire traumatique de la dictature dans le présent. La série consiste en un programme de projection de vidéos et couvre la période qui s’étend des années 1990 jusqu’à l’époque actuelle. La fin de la dictature (1973-1990) et le début de la période post-dictatoriale (1990 – ) – inaugurée par la soi-disant “transition vers la démocratie des accords” – ont ouvert une période amnésique de déni du passé, de dépolitisation et de fatalisme. Cependant, parallèlement aux tentatives de négociation et de suppression mémorielle, cette période est marquée par le retour du réprimé, qui se concrétise par une lutte contre les politiques d’oubli perpétrées par les gouvernements de la transition démocratique. Dès lors, les artistes de la génération dite “post-mémoire” n’ont eu de cesse d’interroger dans leurs œuvres les conditions tronquées de fabrication d’une mémoire collective durant les deux décennies qui suivirent la fin de la dictature.

Roberta Garieri et Vania Montgomery

 

Séance en partenariat avec Aix-Marseille Université et le Centre Aixois d’Études Romanes


Brises

Enrique Ramírez | 2008 | 13 min

Brises est un film d’un plan séquence de dix minutes où la caméra traverse le Palais Présidentiel (La Moneda). Ce film travaille principalement sur la mémoire d’un lieu qui fut le scénario du Coup d’État et du retour à la démocratie, ce lieu qui a été le berceau des tragédies et des joies de tout un peuple.

 

A mi querido amigo Augusto en su primer cumpleaños

Flavia Contreras | 2014 | 4 min

La dictature d’Augusto Pinochet au Chili n’a jamais eu les capacités culturelles de créer une esthétique conservatrice. Au contraire, elle a créé une imagerie visuelle à partir de déchets culturels hérités des États-Unis d’Amérique. Aujourd’hui, après plus de vingt ans de démocratie, le musée Augusto Pinochet se présente comme une cristallisation d’un passé que ceux qui l’habitent ne veulent pas laisser partir. Le lieu survit comme une distorsion dystopique de ce qui était une imagerie mal construite du culte rendu à différents dictateurs dans le monde. Dans ce contexte, l’acte d’exposition et de remontage des déclarations et des images prétend exposer les divergences de cet anachronisme comme un problème central des images que nous produisons aujourd’hui.

 

Los Testigos

Constanza Alarcón Tennen | 2016 | 8 min

Los Testigos est une histoire de fiction. Elle nous parle de nouveaux voisins, réécrivant un dialogue d’empathie et de solidarité entre deux poètes (qui ne se sont probablement jamais rencontrés) : Ahmad Shamlou, poète iranien, et Víctor Jara, compositeur et poète chilien.

Annulant toute distance temporelle, géographique et culturelle, Los Testigos nous projette dans la terre, dans l’histoire, interrogeant les processus de fabrication et de contestation de la mémoire.

 

Mongeley taiñ dungun

Paula Baeza Pailamilla | 2018 | 5 min

Mongeley taiñ dungun est une vidéo qui aborde quatre domaines de grande importance pour le peuple mapuche : la langue, la médecine ancestrale, l’histoire et l’exploitation de la terre. Ce tissage visuel est réalisé par le biais d’un corps mapuche qui expose ces jalons et les manifeste à travers sa propre condition subalterne de femme, de Mapuche et d’héritière de la diaspora.

 

Descubrimiento

Paula Coñoepan | 2019 | 9 min

Cette œuvre fait partie du triptyque « La creación » exposé dans le cadre de l’exposition « Canción Nacional » à la Fundación Plagio. Sous la phrase de l’hymne « L’heureuse copie d’Eden », on accuse le lien toujours existant entre l’État et la religion, cette dernière étant un élément furtif dans le processus d’acculturation des premières nations. Cette hégémonie se manifeste dans la narration de la création de la Genèse par ma grand-mère María Melivilú, qui, comme beaucoup de personnes d’origine mapuche, a incorporé ce récit chrétien dans son imaginaire. Des concepts tels que la subordination des femmes aux hommes et les conséquences de la désobéissance apparaissent dans le récit. L’histoire accompagne l’enregistrement d’une action réalisée à Temuco, le corps de l’artiste enterré sous la terre, complètement recouvert, et sa respiration faisant bouger le sol où l’on voyait le corps, maintenant caché. La vidéo est inversée et l’enterrement est défait, laissant le corps à nouveau découvert, faisant référence à la « découverte » mal nommée par les Espagnols.


Constanza Alarcón Tennen (1986) est une artiste multidisciplinaire. Elle s’intéresse aux dialogues trans-matériels tandis que son travail comprend des installations sonores, des vidéos, des sculptures et des performances, entre autres médias. Elle est titulaire d’une licence en arts visuels de la Pontificia Universidad Católica de Chile et d’une maîtrise en sculpture de l’Université de Yale en 2015. Son travail a été exposé internationalement lors de projections vidéo, d’expositions collectives et individuelles dans des espaces tels que le Künstlerforum Bonn en Allemagne, BOKU (Vienne) en collaboration avec bb15 art space, Galería Patricia Ready (Chili), la XIIIe Bienal de Nuevos Medios (Chili), El Dorado (Colombie), Instituto Cervantes (NYC, États-Unis), The Bronx Museum (Bronx, NY, États-Unis) et Lunds Konsthall (Lund, Suède), parmi d’autres. Elle a participé à des résidences telles que Delfina Foundation (Londres), B.A.S.E Tsonami (Valparaíso) et AIM au Bronx Museum (New York). Outre sa pratique artistique, Constanza est enseignante et a publié son premier recueil de poésie sous forme de livre d’artiste à la maison d’édition indépendante Otra Sinceridad. Constanza vit actuellement entre Santiago et Boston.

 

Paula Baeza Pailamilla (1988) est artiste visuelle. Depuis 2011, elle travaille à partir de la performance, de la pratique textile et du format audiovisuel en se basant sur sa propre identité mapuche, qui est le point d’origine de ses œuvres, se remettant en question et interrogeant son contexte au niveau historique, politique et social. Depuis 2016, elle fait partie du collectif mapuche Rangiñtulewfü, dont découle le projet numérique Yene : Revista de arte, pensamiento y escrituras en Wallmapu y Abya Yala (Yene : Revue d’art, de pensée et d’écriture à Wallmapu et Abya Yala). Elle a été invitée à diverses rencontres, théâtres et galeries en Amérique du Sud et en Europe, abordant des questions relatives au corps, au territoire et aux identités racialisées, ainsi qu’à leur contexte. Elle vit et travaille actuellement en Suisse.

 

Paula Coñoepan (1993) est artiste visuelle et enseignante à l’Universidad de Chile. Dans son travail, elle aborde des thèmes liés à l’identité de genre et à la relation avec son origine mapuche, problématisant ces aspects d’un point de vue biographique.
Elle a reçu de nombreux prix pour sa carrière, comme la première place du Premio de arte joven de la municipalité de Santiago dans les catégories performance (2021) et gravure (2023), la première place du concours Artespacio (2022) et le prix APECH (2021). Elle a exposé son œuvre dans d’importants musées et galeries du Chili, tels que : Museo Nacional de Bellas Artes, Museo de Arte Contemporáneo, Museo de la Memoria y Derechos Humanos, Palacio Pereira, Galería Metropolitana, entre autres.

 

 

Flavia Contreras (1992) est artiste visuelle. Elle est diplômée en arts visuels avec une spécialité en esthétique et en théorie du cinéma de la Pontificia Universidad Católica de Chile (PUCC). Elle fait partie du collectif Art Crap. Ses œuvres ont été exposées dans des musées et des centres culturels depuis 2014. Parallèlement, elle a développé une carrière audiovisuelle qui comprend des vidéos musicales, des documentaires et des hybrides. Ses recherches portent sur la manière dont les fables biographiques et les récits cinématographiques peuvent affecter la construction des archives officielles de l’histoire. Elle ouvre des espaces pour des questions sur la réécriture de l’histoire, la résistance politique et l’imagination de passés possibles qui peuvent conduire à de nouveaux avenirs.

 

 

Enrique Ramírez vit et travaille à Paris (France) et Santiago (Chili). Il a étudié la musique populaire et le cinéma au Chili avant de rejoindre en 2007 le Studio National des Arts Contemporains-Le Fresnoy (Tourcoing, France). Il a notamment exposé au Le Palais de Tokyo, Centre Pompidou, Espace Culturel Louis Vuitton. Il est nominé au prix Marcel Duchamp 2020. Son travail combine la vidéo, la photographie, le son, les installations et les récits poétiques. Enrique Ramírez aime les histoires à tiroirs, les fictions chevauchant les pays et les époques, les mirages entre songe et réalité. L’oeuvre de cet artiste chilien se concentre sur la forme vidéographique et les installations : c’est souvent par l’image et le son qu’il construit ses intrigues foisonnantes et s’insinue en équilibre entre le poétique et le politique. Son imaginaire gigogne s’arrime dans un élément obsessionnel — il pense à partir de la mer, espace mémoriel en perpétuel mouvement, espace de projections narratives où s’entrecroisent le destin du Chili et les grands récits liés aux voyages, aux conquêtes, aux flux migratoires. L’artiste est représenté par la galerie Michel Rein (Paris / Bruxelles) par la galerie Patricia Ready (Santiago) et Vigil Gonzales (Buenos aires, Cuzco).


Projection dans le cadre des journées d’études : Passés-Présents. Mémoires, traces et traumas de la dictature dans les arts au Chili à l’Auditorium Bibliothèque l’Alcazar Marseille, 14 et 15 septembre en accès libre.

Cinquante ans après le coup d’État du 11 septembre 1973, comment ce traumatisme historique continue-t-il de hanter la création artistique chilienne ?

Depuis les ressources de la littérature, du théâtre, du cinéma, de la danse et des arts visuels, les artistes interrogent les relations de la société chilienne avec son passé dictatorial, ainsi que les traces d’une conflictualité qui persiste dans le présent. Médiatisant les violences et les crimes de la dictature, les difficultés du deuil, de l’exil et d’une identité fragmentée, depuis la fin de la dictature en 1990 la production culturelle chilienne met en évidence et réélabore les conditions tronquées de fabrication d’une mémoire collective.


Informations pratiques

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📍 Séance au Videodrome 2

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.


En complément du cycle : 3 documentaires à partir du 8 septembre

 

On vous parle du Chili : ce que disait Allende de Chris Marker et Miguel Littin | (voir ici)
La Cité des photographes de Sebastián Moreno | (voir ici)
Le Pacte d’Adriana de Lisette Orozco | (voir ici)

 

+ D’autres événements autour de la commémoration des 50 ans du coup d’État au Chili se tiendront à Marseille entre le 9 et le 17 septembre

 

• 9 septembre à 19h30 | Projection de films Las Patas en La Tierra. Chronique de l’Estallido Social de Gaël Marsaud et Les enfants des mille jours de Claudia Soto et Jaco Biderman au Cinéma Le Gyptis.

• 11 septembre à partir de 17h à Manifesten | Commémoration, rencontre et réflexion autour de 50 ans du coup d’État au Chili. Au programme : Human Library © et présentation chronologique des arpilleras chiliennes, dès l’AFDD à nos jours.

• 11 et 12 septembre à 19h | Installation-performance Nuestras Piedras au Petit Théâtre de la Friche Belle de Mai.

• 14 et 15 septembre | Journées d’études : Passés-Présents. Mémoires, traces et traumas de la dictature dans les arts au Chili à l’Auditorium Bibliothèque de l’Alcazar (programme ici).

• 16 septembre à 20h | Spectacle Je tirerais pour toi du collectif Merkén au Pôle National Cirque Archaos (voir ici).

• 21 septembre à 19h | Présentation du livre Les femmes contre Pinochet – Odile Loubet et les résistantes de l’ombre (Chili 1973-1990) de Samuel Laurent Xu à la Librairie Transit.

• 22 septembre à 18h30 | Projection de Au nom de tout mes frères de Samuel Laurent Xu (2019) à Mille Bâbords.

 

 

Avec le soutien de La cinémathèque du documentaire, de La Cinémathèque du documentaire à la Bpi – Centre Pompidou

En partenariat avec La Baleine, Les Variétés, ASPAS, Documentaire sur Grand Écran, La Cineteca Nacional de Chile

               


Toutes les séances du cycle

 

Planifié Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille Carte