Nous consacrons ce samedi soir à l’élan pédagogique que fit naître ce nouvel outil magique, le cinéma. Les yeux ébahis des villageois espagnoles voyant pour la première fois des images s’animer sur un écran nous touchent profondément. Ils nous rappellent que le cinéma est fascinant et extraordinaire.
Que ressentirent les premières personnes assises face à l’écran? Ces images parlent d’elles-même.

Todos los niños

Todos los niños nacen genios.
La instrucción pública los enjaula
la educación los plancha
la información monodireccional los inhibe
la publicidad los cretiniza
la tecnología los deshumaniza y prostituye.

Pero la savia es sabia
y la clarividencia, función del humilde instinto,
y una simple conexión molecular en vitro
de misterioso barro electrónico
nos puede iluminar un nuevo mundo.*

Val del OmarTientos de erótica celeste

* Tous les enfants qui naissent sont des génies.
L’instruction publique les enferme
l’éducation les lisse
l’information mono-directionnelle les inhibe
la publicité les crétinise
la technologie les déshumanise et les prostitue.

Mais la sève est sage
et la clairvoyance, fonction de l’humble instinct,
et une simple connexion moléculaire in vitro
d’une mystérieuse boue électronique
qui peut nous dévoiler un nouveau monde.


Val del Omar était un pédagogue, il rêvait d’une autre éducation, où le cinéma aurait toute sa place. L’attraction lumineuse de l’écran s’opposant à la noirceur des livres. Il a œuvré à la préservation d’une culture et d’une éducation populaire à différents moments de sa vie. En 1932, il  a notamment participé au projet de « Photo-phono-ciné-thèque nationale » pour la préservation du patrimoine audiovisuel et son accès au public. Son engagement au sein des Missions pédagogiques marqua profondément ses idéaux et son œuvre artistique.

Estampas

de José Val del Omar – 1932, Espagne, 13 min, Muet

Entre 1932 et 1936, Val del Omar participe à l’expérience des Missions Pédagogiques de la Seconde et dernière République espagnole. Ces Missions menées par des missionnaires laïques, instruits et modernistes, participaient à un projet d’éducation populaire défendue par la toute jeune République, et qui consistait à amener la culture (littérature, théâtre, chorale, cinéma, etc.) et l’instruction aux populations isolées et reculées d’Espagne. Il s’agissait également dans l’autre sens de montrer aux citadins le quotidien de ces populations souvent très pauvres et mises à l’écart de la modernité. Val del Omar participa activement à la section Cinéma, en tant qu’opérateur, projectionniste et photographe. Différents films été montrés dans les villages : des documentaires, essentiellement provenant de la collection des films pédagogiques Eastman (Kodak), mais également des dessins animés de Félix le chat, ainsi que des courts-métrages de Charlie Chaplin mis en musique avec des morceaux de Beethoven ou de Mozart. On peut mettre en relation cette expérience avec les ciné-trains soviétiques auxquels a participé Medvedkine, à la différence que les Missions Pédagogiques n’étaient pas partisanes, et qu’elles étaient altruistes et socialement réformistes. Diverses actions étaient proposées : Musée ambulant du peuple, instruction de la paysannerie, anthropologie culturelle, bibliothèque ambulante, etc. Val del Omar réalisa environ 50 documentaires et plusieurs reportages photographiques à travers l’Espagne. On sait qu’il se rendit à Las Hurdes, le village que Luis Buñuel a filmé dans son premier documentaire Terre sans pain, mais il ne reste malheureusement pas de traces de ce voyage.

Le court-métrage Estampas est un document filmique rare, qui documente l’arrivée des Missions pédagogiques dans les villages et les différentes activités qui y été menées. La dimension documentaire et anthropologique du film est bien présente à travers les visages et les gestes quotidiens. Mais on y reconnait également son écriture filmique plus poétique et personnelle.

Las Hurdes tierra sin pan (Terre sans pain)

de Luis Buñuel – 1933, Espagne, 30 min, VOstFR, Copie 35mm

Val del Omar était proche des poètes, écrivains et créateurs plastiques appartenant à la « Génération 27 » et autres mouvements en ébullition pendant l’Âge d’argent de la Seconde République espagnole. Luis Buñuel, Federico Garcia Lorca, Salvador Dali ou Luis Cernuda étaient associés à cette génération qui naviguait entre les racines savantes et populaires de l’Espagne et l’avant-garde européenne.

L’unique documentaire de Luis Buñuel, ou plutôt « essai cinématographique de géographie humaine » comme indiqué dans le carton post-générique, est un film étonnant tourné en seulement un mois. Si dans Estampas de Val del Omar, tourné un an auparavant, la joie et les fêtes autour de l’arrivée des Missions pédagogiques rendent la pauvreté des villages moins rude, Terre sans pain expose crument la misère. La faim, la maladie, l’isolement, la bêtise semblent être les seuls possibles pour les habitants de cette terre. La voix off alourdit encore davantage cette « outrance froide », tel un réquisitoire. Selon Mercé Ibarz, Terre sans pain a «une fonction médiatique. C’est l’image concentrée de l’Espagne la plus ténébreuse, de sa pauvreté extrême et de la lutte féroce pour la survie sur une terre stérile».

Las Hurdes, petit village de l’Ouest espagnol, est situé dans une région montagneuse très difficile d’accès. Il était funestement connu comme l’un des villages les plus pauvres d’Espagne. Des ecclésiastiques et plus tard des « commissions sanitaires » envoyées par les pouvoirs publics s’aventurèrent quelque fois dans le village. Le roi Alphonse XIII s’y rendit également au début des années 20, soucieux de prouver l’attention qu’il portait à son peuple. Un court-métrage de propagande en a laissé la preuve.

Lorsque Luis Buñuel s’intéresse à Las Hurdes et à la thèse ethnographique de Maurice Legendre, directeur de l’Institut français de Madrid, le documentaire cinématographique est une nouveauté. On pense au films de Flaherty, Paul Strand ou Joris Ivens. Buñuel, qui venait d’annoncer son adhésion au Parti communiste espagnol, convoque pour son film une équipe représentative des courants politiques et artistiques les plus extrêmes. On y trouve Ramon Acin, aragonais comme Buñuel, spécialiste des nouvelles méthodes d’enseignement imaginées par Célestin Freinet, mais aussi sculpteur passionné par le métal et les lanternes magiques, journaliste et anarchiste. Il y a encore Rafael Sanchez Ventura, un autre intellectuel anarchiste aragonais qui sera crédité comme assistant réalisateur. A Paris, Buñuel a débauché Eli Lotar, photographe des abattoirs et des sujets prosaïques, compagnon de Germaine Krull, copain de Kertesz. C’est à lui qu’il confie la lumière du film. Et Pierre Unik, poète surréaliste qui écrira le très intriguant texte du commentaire. Le surréalisme qui ressort par petite touches dans le film, tel ce petit cercueil qui traverse une rivière.

Le film fut interdit en Espagne dès 1933 à cause de la tension politique et sociale de l’époque, et il fut un peu oublié par la suite. Lors de sa redécouverte, il est devenu un cas d’école dans l’étude du documentaire. Le réalisme truqué et assumé du film interroge sur le rapport du documentariste avec le réel et sa mise en scène. Peut-on faire dire ce qu’on désire à la réalité que l’on filme, au point même de précipiter un âne du haut d’une falaise? Déjà très marqués par l’image que l’on se faisait d’eux dans le reste du pays, les habitants de Las Hurdes n’ont sûrement pas apprécié le portrait que leur a dressé Buñuel. Mais comme pour son film mexicain Los Olvidados, le cinéaste espagnol semble appuyer et critiquer le conditionnement social qui empêche tout individu de sortir de sa basse condition.

Le tombeau d’Alexandre

de Chris Marker – 1993, France, 2h

Chris Marker a découvert l’œuvre de Medvedkine, cinéaste alors très peu connu en France, dans les années 60. Il réalisa un court-métrage intitulé Le train en marche, sur « l’expérience unique, et complètement oubliée, datant de 1932 : Le Kinopoezd, le Ciné-Train » (Marker). Dans le Tombeau d’Alexandre, Marker rassemble témoignages, archives, extraits de films inédits pour retracer la vie de cet artiste génial, avant-gardiste et souvent incompris…
Nous avons choisi de faire se rencontrer Val del Omar et Medvedkine, de mettre en parallèle l’expérience des ciné-trains avec celle des Missions Pédagogiques qui, toutes deux à la même époque, faisaient du cinéma le parfait outil du changement social. Toutes deux sont également les traces de la puissance magique du cinéma sur ses premiers spectateurs.
Les ciné-trains se nourrissaient de l’idéologie productiviste de l’époque mais ses instigateurs agissaient avec une certaine liberté vis-à-vis du pouvoir central. Elle fut ainsi rapidement arrêtée.

Extraits d’un texte de Chris Marker, 1993

« Un train. Un train-cinéma, transportant sur ses boggies du matériel de tournage, un laboratoire, des salles de montage, une imprimerie, un camion et un « chameau de remontrance  ». L’équipe arrivait dans une usine, dans un kolkhoze, interrogeait les gens « qu’est-ce qui ne va pas ? ». On les filmait. Les rushes étaient tirés dans la nuit, montés dans la journée. Le lendemain soir, le film était montré, et la discussion repartait, basée sur « cet événement émouvant  » disait Medvedkine « de se voir soi-même à l’écran ». Il avait inventé le reality-show avec 60 ans d’avance, et une approche un peu différente. »

« Alexandre Ivanovitch Medvedkine est le seul cinéaste russe né en 1900. Ces entailles que les pères de famille font aux portes des chambres pour mesurer la croissance de leur progéniture, le siècle les a tracées sur sa vie : il avait 17 ans, c’était l’insurrection d’Octobre – 30 ans, la guerre civile, et lui dans la cavalerie rouge, derrière Boudienny, tout comme Isaac Babel 38 ans, le procès Boukharine, et son meilleur film, Le Bonheur, attaqué pour « Boukharinisme »… – 41 ans, la guerre, et lui en première ligne, caméra au poing – et quand il meurt en 1989, c’est dans l’euphorie de la perestroïka, convaincu que cette cause du communisme à laquelle il avait consacré sa vie trouvait enfin là son aboutissement, et que tant de souffrances n’avaient pas été vaines, puisqu’enfin justice sociale et liberté allaient marcher d’un même pas…Peut-on rêver meilleur fil conducteur pour explorer la tragédie de notre siècle ? Son énergie, son courage, ses illusions, ses désillusions, ses compromissions, ses bagarres avec les bureaucrates, ses illuminations prophétiques, ses aveuglements, volontaires ou non, son humour indestructible et la lumière déchirante que l’effondrement de l’URSS jette rétrospectivement sur toute sa vie, ce sont ceux de toute une génération, et c’est le portrait de cette génération que j’entends tracer à travers le portrait d’un ami. (…) »


À noter que le splendide film d’Alexandre Medvedkine Le bonheur, sera projeté lors du cycle consacré au cinéma russe entre le 7 et le 12 novembre 2017, puis entre le 28 novembre et le 3 décembre.


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