Édito
Voici une invitation à arpenter une généalogie des images que l’Amérique renvoie à elle-même en temps de crise. Une psychanalyse cinématographique en six étapes de la déchirure interne propre à la bourgeoisie blanche états-unienne. Si dans les médias les États-Unis sont dits aujourd’hui fracturés, ce n’est pas une première : depuis la Guerre de Sécession, et le triste gâchis de la période de Reconstruction, l’imaginaire national, voir nationaliste, ne cesse d’invoquer une division perpétuelle, suggérant qu’inévitablement, un jour ou l’autre, il y aura des comptes à rendre.
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The Last Detail (La dernière corvée) de Hal Ashby
1973 | États-Unis | 1h44 | VOSTFR
Billy Buddusky (Jack Nicholson) – dit « Badass » – et Mulhall (Otis Young) – alias « Mule » -, deux marins de l’US Navy stationnés à Norfolk en Virginie, reçoivent la mission d’aller chercher puis d’escorter l’un de leurs jeunes collègues, Larry Meadows (Randy Quaid), vers un centre de détention militaire à Portsmouth dans le New Hampshire. Ce dernier doit y effectuer une peine de huit ans d’internement en raison d’un menu larcin : une tentative de vol d’argent dans une caisse destinée à une association caritative de la marine américaine. Timide, maladroit, candide et un peu pitoyable, le pauvre Meadows finit néanmoins par attirer la sympathie de ses deux escorteurs. Buddusky et Mulhall décident alors de rallonger le parcours afin d’offrir au jeune malheureux quelques jours de bon temps, comme par exemple lui faire découvrir l’ambiance des bars ou encore l’accueil des femmes dévouées aux plaisirs des hommes. Buddusky surtout, une forte personnalité, tente de donner au condamné quelques leçons de vie simples et utiles avant qu’il soit remis aux autorités militaires.
Les road-movies phare du Nouvel Hollywood font le plus souvent la part belle aux grands espaces. La Dernière Corvée change de décor, abandonne les étendues désertiques et les vastes plaines pour se relocaliser en environnement urbain. On n’y voyage plus en voiture individuelle, mais en transport en commun, on ne s’arrête plus dans des stations-services isolées mais dans de grandes métropoles. En changeant de cadre, le film se refocalise sur le collectif et s’ancre dans la réalité sociale. Le mal-être des individus est tout aussi prégnant, mais il s’éprouve avant tout comme la conséquence du dérèglement d’un système, et non pas comme une dérive existentielle individuelle. (…) Un des tours de force de la réalisation – par ailleurs plutôt discrète – d’Ashby est d’arriver à capter toute l’intensité de certaines scènes en les coupant avant même qu’elles n’atteignent leur point d’incandescence. Plutôt que d’étirer des situations rebattues (une soirée de beuverie, un lâcher prise, une séquence de justification), de les laisser s’enliser dans un réalisme démonstratif, il met fin par anticipation à l’enchainement prévisible des événements et laisse le spectateur éprouver l’essence même de ces moments (la camaraderie, la mauvaise foi) plutôt que d’en endurer la pénible vision littérale.
Frédéric Caillard pour Critikat
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