Cette programmation accompagnées d’interventions et en présence des réalisateurs.trices a pour un cadre un colloque inscrit dans l’axe de recherche « Imaginaire urbain en Méditerranée » du LESA et issu d’un programme de recherche mené sur le Centre Méditerranéen de Création Cinématographique (Pépinière Amidex, 2017-2019). Ce colloque sur trois journées s’intéresse aux productions des cinéastes arpenteurs. Il envisage d’interroger des cinéastes qui arpentent, parcourent, décrivent et tissent des territoires réels, imaginaires ou fantasmés. Leur œuvre offre un travail de figuration filmique qui permet de penser l’espace dans son épaisseur temporelle. Le cinéaste-arpenteur est celui qui sort des terrains quadrillés et marqués par les signes du pouvoir pour échapper aux circulations rapides, aux rythmes effrénés des vitesses imposées.
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Pour votre information, le Videodrome 2 reçoit uniquement les projections liées au colloque.
Présenté par Dario Marchiori (Maître de Conférences en Histoire des Formes Filmiques, Lyon 2)
« Depuis que j’ai commencé à faire des films, j’ai toujours essayé d’aller au fond de la chose que j’avais choisi de traiter. J’ai essayé de trouver le chemin qui était (pour moi) le plus court et de montrer l’essentiel du sujet, c’est-à-dire de connaître, reconnaître et dire ensemble avec d’autres : « Ceci doit être changé, cela devrait être conservé, ou pas négligé. »
Peter Nestler (1974)
Am Siel
de Peter Nestler, 1962, 13 min
Un chenal raconte son histoire à la première personne grâce à un texte magnifique de Robert Wolfgang Schnell, lu par l’auteur, tandis que les images établissent une topographie de l’histoire sociale et économique d’un petit village. Dès son premier film, Nestler trouve une synthèse poétique entre le souci de la nature et de l’art, l’intérêt pour le travail comme activité humaine et collective, la description critique des relations et des transformations économiques et sociales.
Ödenwaldstetten
de Peter Nestler, 1964, 36 min
Entre Tübingen et Ulm, dans le sud-ouest de l’Allemagne, Ödenwaldstetten est un village comme un autre. Il est d’autant plus représentatif des changements rapides et violents en cours dans le monde paysan du fait de l’exode rural et de l’industrialisation. En un peu plus d’une demi-heure, Nestler nous livre le « portrait » d’un village, en arpentant avec précision les lieux et détaillant les activités.
Fos-sur-mer
de Peter Nestler, 1972, 24 min
Fos-sur-Mer est une commune à une cinquantaine de kilomètres de Marseille, soumise à une industrialisation massive depuis les années soixante, en lien avec l’expansion du port de la cité phocéenne. Nestler s’inscrit au cœur de cette transformation radicale d’un lieu et lui donne une épaisseur historique et économique, en allant à la rencontre des ouvriers français et étrangers – la main-d’œuvre exploitée est ici surtout maghrébine.
Peter Nestler
« Allemagne de l’Ouest, 1962 : Peter Nestler réalise son premier film, un poème engagé remarquable : Au bord du chenal. C’est aussi l’année du célèbre Manifeste d’Oberhausen, qui vante les réussites du court métrage allemand et demande un soutien plus poussé à la cinématographie nationale, ce fameux « nouveau cinéma allemand » qui sera reconnu à l’international quelques années plus tard grâce à un trio d’auteurs vedettes et à leurs longs métrages de fiction : Fassbinder, Wenders et Herzog. Quelle place reste-t-il alors pour le documentaire ? Par ailleurs, dans l’histoire du documentaire, le début des années soixante est marqué par l’émergence du cinéma-vérité et du cinéma direct, qui revendiquent un plus grand sentiment d’authenticité ou d’immersion dans le flux du réel : l’Allemagne de l’Ouest intégrera cette esthétique vers le milieu des années soixante avec notamment Klaus Wildenhahn. Mais Nestler ne propose pas vraiment du cinéma direct (ce qui n’empêcha pas Wildenhahn d’admirer son travail) et, en bon lecteur de Brecht, il prend ses distances avec l’idéologie de la rencontre immédiate avec le réel.
Une fois de plus, l’histoire est plus riche et contradictoire qu’on ne le croit : réalisateur de films documentaires, mais destinés pour la plupart à la diffusion télévisuelle, inclassable par rapport aux histoires générales du cinéma, mais aussi celles du cinéma allemand ou encore du cinéma documentaire, Peter Nestler nous frappe aujourd’hui par la fraîcheur de son cinéma critique, porteur d’un regard politique et esthétique sur le monde. Un cinéma libre dans la mesure où il s’adapte à la cohérence et à l’urgence de son propos. Cette œuvre inclassable est à l’image de la vie de son auteur : avant de devenir cinéaste, Peter Nestler a étudié la peinture, travaillé comme marin, ouvrier, bûcheron ou employé de bureau ; il a joué dans un certain nombre de films allemands signés par des auteurs importants tels que Helmut Käutner, Harald Reinl ou Géza von Radványi. En parallèle de son activité d’acteur, Nestler réalise ses premiers films avec une opiniâtreté radicale qui dérangera les modes, les producteurs, les distributeurs.
Le travail de Nestler, « tranquille et rigoureux » (B. Eisenschitz), présente un large éventail de sujets qui dessinent des liens très profonds entre ses films : l’histoire économique et sociale d’un lieu ; l’exploitation de la nature et des humains ; l’histoire de l’art comme représentation de l’histoire sociale ; la représentation du travail artisanal ou industriel ; la lutte contre l’héritage du fascisme et ses résurgences ; l’étude critique de l’oppression d’un groupe social, d’une minorité, d’un peuple – des immigrés aux indigènes, des Tsiganes aux Juifs, des Vietnamiens aux Chiliens, entre autres. Son style – au tournage, au montage, au commentaire – est à la fois précis et dépouillé, finement construit et exigeant. Nestler travaille comme un orfèvre, quelle que soit l’échelle de son sujet. »
Dario Marchiori
Intervention de Dario Marchiori autour du travail de Peter Nestler dans le cadre du colloque
« Au sens littéral, l’arpentage se rattache à une histoire économique et institutionnelle qui met l’exploration du terrain au service d’un processus de rationalisation, d’appropriation et de domination ; à l’autre bout, la tentative de dépeindre la réalité du pays se rattache en Allemagne à l’ineffable tradition de la Heimat, pour le meilleur comme pour le pire. En dialectisant ce clivage entre la science et l’art, entre la technique d’objectivation et l’expression esthétique des sentiments, Peter Nestler construit une œuvre critique qui creuse et étudie des lieux précis en les inscrivant dans l’Histoire, d’un point de vue socio-économique, culturel, géopolitique.
L’œuvre de Nestler peut s’étudier par le prisme d’un seul film, Ödenwaldstetten. Ce cas spécifique sera situé par rapport à la poétique de Nestler, auteur à l’œuvre diversifiée qui s’étale sur une bonne cinquantaine d’années, depuis le début des années 1960 à aujourd’hui. Ödenwaldstetten (1964) propose le portrait d’un village du sud de l’Allemagne et explore la vie quotidienne de ses habitants à travers la corrélation des forces objectives qui la régissent ; par un mouvement dialectique, cette volonté de transcender le cas singulier en renforce la puissance et lui restitue une nouvelle singularité, celle que seul le cinéma peut révéler : la trace en mouvement d’une relation entre les hommes et leur environnement. Loin de s’opposer, le choix affirmé d’un point de vue et la capacité de se laisser guider par la situation, par la flagrance d’un détail, vont de pair. »
Dario Marchiori, Maître de Conférences en Histoire des Formes Filmiques à l’Université Lumière Lyon 2, travaille sur le cinéma moderne, le cinéma documentaire, le cinéma expérimental et leurs croisements. Il a publié une quarantaine d’articles et dirigé l’édition d’une sélection d’écrits d’Alexander Kluge (L’Utopies des sentiments, PuL, 2014) et d’un volume collectif, Expanded Cinema (Garnier, 2015). Avec Stefanie Bodien, il a organisé une rétrospective des films de Peter Nestler aux États généraux du film documentaire (Lussas, 2017).
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Tarif de la séance
5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
Gratuit pour les abonnés (cartes Rage et Scanner)
15 € PASS 4 séances
L’adhésion annuelle indispensable est de 3€ minimum
La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance
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