La ville-monde, comme elle est dépeinte par Maurice Pialat dans L’amour existe, en se construisant en permanence, devient une menace contre la mémoire, excluant les marges et produisant des vies de plus en plus pauvres en expérience à mesure qu’elle s’étend : « la banlieue triste qui s’ennuie, défile grise sous la pluie » chantait Edith Piaf. Face à cette menace s’initie une traversée à contre-courant, un mouvement inverse, une autre temporalité, plus lente ou plus rapide, qui vient mettre en défaut le rythme de l’extension urbaine. Les films de cette semaine proposent donc un moyen de reprendre possession, par le jeu, par le soin, par la dérive ou la vengeance, de cet espace urbain qui semble nous engloutir. « Babylone », c’est là où est le péril mais c’est aussi le lieu de tous les possibles, là où croit ce qui sauve.

C’est ainsi que Zina et Kamel dans Rome plutôt que vous sillonnent la ville d’Alger, entre villas en construction, intérieurs de béton vidés, chantiers désertés, ils essayent de trouver un passeur et de fuir la violence, ici larvée, comme atmosphériques, des années noires. Si la ville est le lieu privilégié où s’écrit l’histoire officielle, elle appartient aussi aux marges et aux rebuts, elle déborde par ses bords et ses limites. En avant Jeunesse de Pedro Costa suit Ventura, un ex-habitant de Fontainhas, ancien bidonville de Lisbonne ( aujourd’hui démoli), qui vient d’être relogé dans les nouveau immeubles aux abords de la ville. C’est à travers les mots et les gestes de ce seul personnage que Costa réussit à donner chair aux espoirs, peines et souffrances de tout un peuple réduit à la misère. Dans Les mains négatives, Marguerite Duras remonte les rues vides de Paris avant qu’elle ne s’éveille, jusqu’à une mémoire originaire, inscrivant ainsi le ramassage des déchets dans une histoire sensible des gestes, ceux des premiers hommes. Ces gestes de micro-résistance à l’automatisation des déplacements, des déviations, des décrochages, c’est ainsi que les personnages de I don’t want to sleep alone de Tsai Ming-Liang habitent la ville écrasante et infinie de Kuala Lumpur, formant une communauté errante, investissant les lieux délaissés et ruinés, se rencontrant par le toucher, leurs corps résistent par le soin qu’ils prennent les uns des autres. Agnès Varda, elle aussi dans Murs Murs, traverse un espace peuplé de déclassés, de minorités, d’habitants oubliés, à travers les œuvres éphémères qui recouvrent les murs de Los Angeles, reconstituant ainsi une histoire alternative et secrète de la ville. Dans Les Bruits de Recife, Kleber Mendonça Filho cherche également, par un geste de vengeance, à révéler une violence sourde, recouverte, dissimulée par les constructions de Gated communities au Brésil. De son côté , John Smith, cinéaste expérimental anglais, monte ses films au rythme saccadé des voitures. Black Tower, Blight et Lost Sound retournent chacun à leur manière la violence de la ville contre elle-même par la création d’un nouvel imaginaire en donnant vie, à travers le montage, à des objets apparemment inertes mais qui finissent par exploser.

Le défi proposé par ces films, c’est donc la conjuration d’une longue histoire de fascination entre le cinéma et la ville. Celle-ci n’est plus le simple objet d’un désir, mais le terrain depuis lequel s’ordonnent les luttes qui viennent, depuis lequel s’éprouve la résistance des corps : libres, fragiles, puissants.

 


Le programme du cycle

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Videodrome 2
49 Cours Julien
13006 Marseille

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Les tarifs des séances cinéma

Adhésion annuelle indispensable
à partir de 3€

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
2€ pour les séances jeune public

La carte RAGE + adhésion annuelle
:: VIDÉOCLUB : 3 films pour 7 jours

:: CINÉMA : accès illimité à toutes les séances hors séances spéciales et festivals
100€ (payables en trois fois par chèque)

La carte SCANNERS + adhésion annuelle
:: CINÉMA : accès illimité à toutes les séances hors séances spéciales et festivals
80€ (payables en trois fois par chèque)

La carte 10 séances + adhésion annuelle
40€

 

Ouverture de la billetterie 30 minutes avant le début de chaque séance

 

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