« À nous deux, Babylone ! » s’écrie Baptiste, la guerrière karatéka sans cause qui arpente et affronte Paris sur sa mobylette dans Le pont du Nord de Jacques Rivette. Elle est tout ce que la ville rejette et pourtant elle s’en empare comme d’un terrain de jeu, un territoire de lutte, un espace imaginaire où se construisent de nouveaux récits. Attaquant les lions de Denfert-Rochereau, lacérant les yeux des affiches publicitaires, elle ne cesse d’affronter une menace invisible, un danger permanent qui semble planer sur la ville.

Un air de défi qui donne le ton de ce cycle. Les films de cette semaine proposent un moyen de reprendre possession, par le jeu, par le soin, par la dérive ou la vengeance, de cet espace urbain qui semble nous engloutir. « Babylone », c’est là où est le péril mais c’est aussi le lieu de tous les possibles, là où croit ce qui sauve.

La ville-monde, comme elle est dépeinte par Maurice Pialat dans L’amour existe, en se construisant en permanence, devient une menace contre la mémoire, excluant les marges et produisant des vies de plus en plus pauvres en expérience à mesure qu’elle s’étend. Face à cette menace s’initie une traversée à contre-courant, un mouvement inverse, une autre temporalité, plus lente ou plus rapide, qui vient mettre en défaut le rythme de l’extension urbaine. C’est ainsi que Zina et Kamel dans Rome plutôt que vous sillonnent la ville d’Alger, entre villas en construction, intérieurs de béton vidés, chantiers désertés, ils essayent de trouver un passeur et de fuir la violence, ici larvée, comme atmosphériques, des années noires. Si la ville est le lieu privilégié où s’écrit l’histoire officielle, elle appartient aussi aux marges et aux rebuts, elle déborde par ses bords et ses limites. Dans Les mains négatives, Marguerite Duras remonte les rues vides de Paris avant qu’elle ne s’éveille, jusqu’à une mémoire originaire, inscrivant ainsi le ramassage des déchets dans une histoire sensible des gestes, ceux des premiers hommes. Ces gestes de micro-résistance à l’automatisation des déplacements, des déviations, des décrochages, c’est ainsi que les personnages de I don’t want to sleep alone de Tsai Ming-Liang habitent la ville écrasante et infinie de Kuala Lumpur, formant une communauté errante, investissant les lieux délaissés et ruinés, se rencontrant par le toucher, leurs corps résistent par le soin qu’ils prennent les uns des autres. Agnès Varda, elle aussi dans Murs Murs, traverse un espace peuplé de déclassés, de minorités, d’habitants oubliés, à travers les œuvres éphémères qui recouvrent les murs de Los Angeles, reconstituant ainsi une histoire alternative et secrète de la ville. Dans Les Bruits de Recife, Kleber Mendonça Filho cherche également, par un geste de vengeance, à révéler une violence sourde, recouverte, dissimulée par les constructions de Gated communities au Brésil. De son côté, John Smith, cinéaste expérimental anglais, monte ses films au rythme saccadé des voitures. Black Tower, Blight et Lost Sounds retournent chacun à leur manière la violence de la ville contre elle-même par la création d’un nouvel imaginaire en donnant vie, à travers le montage, à des objets apparemment inertes mais qui finissent par exploser.

Le défi proposé par ces films, c’est donc la conjuration d’une longue histoire de fascination entre le cinéma et la ville. Celle-ci n’est plus le simple objet d’un désir, mais le terrain depuis lequel s’ordonnent les luttes qui viennent, depuis lequel s’éprouve la résistance des corps : libres, fragiles, puissants.


Le programme du cycle

 Voir le programme complet des séances cinéma


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Videodrome 2
49 Cours Julien
13006 Marseille

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Les tarifs des séances cinéma

Adhésion annuelle indispensable
à partir de 3€

5€ la séance
2€ pour les moins de 14 ans
2€ pour les séances jeune public

La carte Cycle 6 séances + adhésion annuelle
25€

La carte 10 séances + adhésion annuelle
45€

Ouverture de la billetterie 30 minutes avant le début de chaque séance

 

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