Édito
Voilà que vient la 18e édition des Rencontres Films Femmes Méditerranée. Une année de plus où nos regards ont scruté les bords de mer, à la rencontre d’œuvres cinématographiques et de trajectoires humaines. Des intériorités singulières engagées, deviennent collectives, se révélant à la lumière tremblante des salles obscures. La programmation met en résonance la violence dans l’espace domestique et dans le monde professionnel mais aussi les gestes quotidiens et les gestes d’amour, comme dans le bouleversant Blackbird, Blackbird, Blackberry d’Elene Naveriani (Georgie), cinéaste qui nous fera l’honneur d’une leçon de cinéma.
Cette année, nous mettons à l’honneur l’œuvre cinématographique de l’artiste Sarah Maldoror, avec comme film d’ouverture Sambizanga, en copie restaurée : une œuvre poétique qui rend hommage aux combattant·es de l’ombre pour la libération des peuples et contre le pouvoir colonial. Pour la première fois à Marseille, nous pourrons ensemble découvrir son travail lors du temps Sarah Maldoror, une cinéaste. Annouchka de Andrade, l’une de ses filles, accompagnera les projections. Enfin nous clôturons avec Madame de Sévigné d’Isabelle Brocard (France), portrait à l’écriture fine et intime d’une grande figure de la littérature française du XVIIème siècle.
C’est avec un infaillible plaisir renouvelé que nous vous invitons cette année à participer à ces Rencontres, afin de nous retrouver autour de récits multiples, toujours en mouvement, pour célébrer les femmes et la Méditerranée !
Sarah Maldoror, une cinéaste
Née d’une mère gersoise et d’un père guadeloupéen, Sarah Maldoror arrive à Paris au début des années 1950. Elle se choisit un patronyme à la mesure de sa personnalité :
Maldoror, un nom qui dessine son intérêt tous azimuts pour la poésie, pour les chants et pour tous les arts.
Le théâtre d’abord, elle crée avec des amis la première compagnie de théâtre noire, Les Griots qui jouent dans des pièces d’Aimé Césaire, Jean Genet et Jean Paul Sartre. C’est encore à Paris que dans le cercle de de la librairie Présence africaine, elle rencontre celui qui deviendra son compagnon, Mario Pinto de Andrade, et fonde des amitiés durables avec Léopold Sédar Senghor, Édouard Glissant, Alioune Diop et Aimé Césaire.
C’est à Alger que débute la carrière cinématographique de Sarah Maldoror. D’abord assistante de Gillo Pontecorvo sur La bataille d’Alger, elle va vite prendre son indépendance dès son premier court métrage en évoquant les luttes de libération à travers l’émancipation de personnages féminins qui incarnent une indiscipline poétique et politique. Après des déboires avec les autorités algériennes, son film Des fusils pour Banta – aujourd’hui invisible – lui est littéralement confisqué. Elle revient en France, parcourt le monde et continue à réaliser une trentaine de films, fictions, documentaires, portraits, qui portent tous la marque de sa personnalité incandescente. Malgré les résistances rencontrées pour réaliser tous ses projets, Sarah Maldoror a construit une oeuvre de combat, poétique, féministe et profondément originale.
Cinéaste engagée, entière, exigeante, elle décède en 2020. Son ami Aimé Césaire lui dédiera ces mots :
« À Sarah Maldoror… qui, caméra au poing, combat l’oppression, l’aliénation et défie la connerie humaine. »
Tout au long du week-end, Annouchka de Andrade nous livrera sa connaissance intime de l’œuvre de sa mère et transmettra la diversité de ses propositions de cinéma et la richesse de son processus de création. L’artiste Maya Mihindou présentera à l’occasion de cette programmation une lecture des cartes qu’elle a dessinées pour l’exposition du Palais de Tokyo de 2022, Sarah Maldoror Cinéma Tricontinental.
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