Nostra Signora dei Turchi (Notre-dame des Turcs)

Carmelo Bene – 1968, Italie, 2h04, VOstFR

Avec Carmelo Bene, Lydia Mancinelli, Ornella Ferrari, Anita Masini
Prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 1968
Festival de Cannes 1969

Les visions et souvenirs d’un écrivain du Sud de L’Italie, entre hallucinations théâtrales, délires religieux et souvenirs de l’invasion turque.
Carmelo Bene a dit de son film qu’il était « la mort racontée par un vivant ».
Avant d’être son film le plus important, cette œuvre a été son premier roman et l’une de ses premières mises en scène de théâtre.

 

Présentation du film par Jean-Paul Manganaro Yannick Butel et invitation à la discussion à l’issue de la projection.

Yannick Butel est professeur des Universités en esthétique théâtrale, chercheur et critique à l’Insensé (insense-scenes.net).

 

«  À chaque fois, Bene a entrepris une traversée au-delà des supports expressifs, afin de viser et de fixer (plus encore qu’une manière de re-présenter) la création d’une totalité expressive de l’Oeuvre – de son œuvre. A chaque fois, Bene a voulu lui conférer les pouvoirs hallucinatoires et visionnaires qui, à travers différents plans de distance, l’ôtent justement à toute scène – théâtrale, cinématographique ou textuelle – et lui transmettent une puissance médiumnique qui est à la source de sa véritable création. » (Jean-Paul Manganaro)

 

 

:: Début du texte Autographie d’un portrait de Carmelo Bene

« Le talent fait ce qu’il veut, le génie fait ce qu’il peut.
J’ai toujours eu, du génie, le manque de talent.Depuis notre floraison-défloraison à l’aveuglement de la lumière, l’oral a la priorité sur l’écrit : l’écrit perçu comme oral mort.

L’écrit est l’enterrement de l’oral, c’est le refoulement continu de l’intérieur.
Déjà à partir de notre naissance déclinante un destin commence.
Impitoyable, pour la plupart des êtres humains : si l’on ne nait pas milliardaire, on est à jamais foutu.
Il faut se plier au quotidien, se procurer les stimulations à son projet ; au lieu de dé-projeter, on est condamné au dessein.

Ça commença quand c’était déjà fini, comme dans toutes les mésaventures à la « Lorenzaccio ». Si j’avais été le milliardaire Schopenhauer, je n’aurais certainement pas écrit Le Monde comme volonté et représentation. Je m’en serais bien gardé : on ne naît pas pour travailler, s’expliquer, penser ; on ne naît pas non plus pour dé-penser, parce que, là aussi, c’est s’occuper de la pensée. On ne naît pas pour gérer, pour agir-endurer : tout nous est infligé par les circonstances.

Comme nous subissons passivement toutes nos perceptions prénatales, de même nous subirons ensuite le signifiant. Dans la récidivité de la vie, le discours n’appartiendra jamais à l’être parlant.

L’état civil, l’application mise à survivre nous condamnent à l’in-formation, pour qu’on se forme, se déforme, qu’on devienne léopardiennement bossu, pourvu qu’on joue un rôle, alors qu’on ne voudrait rien d’autre que mettre l’art hors jeu, comme d’ailleurs la vie. Un véritable malheur.
La naissance est un début prématuré, comme Caligula au « Théâtre des Arts » en octobre 59 à Rome. Il fallait débuter : ça a toujours été une nécessité imposée. »

 

La biographie de Carmelo Bene est consultable dans l’article ci-dessous :
> Des livres de Carmelo Bene et de Jean-Paul Manganaro

 

 

 

« Il y a les crétins qui ont vu la Madone et les crétins qui n’ont pas vu la Madone. La différence est que les crétins qui ont vu la Madone, lorsqu’ils se jettent par la fenêtre, ils volent, mais les crétins qui n’ont pas vu la Madone, lorsqu’ils se jettent par la fenêtre, ils tombent. » (réplique du film Nostra Signora dei Turchi)

 

Voir le programme complet de la rétrospective Carmelo Bene


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